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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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l’état de spectre, l’appareil de commandement continuait de fonctionner mécaniquement. C’est, me semble-t-il, cette force d’entraînement qui faisait que les généraux, même à ce dernier stade, alors que le rayonnement de la force de décision de Hitler avait diminué, continuaient aussi de suivre la voie qu’on leur avait tracée. Ainsi Keitel persistait à exiger qu’on détruise les ponts, alors que Hitler, déjà résigné, voulait les épargner.
    Le relâchement de la discipline de son entourage avait dû frapper Hitler. Quand, auparavant, il pénétrait dans une pièce, les personnes présentes se levaient et attendaient pour se rasseoir qu’il ait lui-même pris place. Or, on pouvait observer que ces mêmes personnes ne se levaient plus et continuaient leurs conversations, que les domestiques s’entretenaient en sa présence avec des invités et que, parfois, des collaborateurs pris d’alcool dormaient sur des fauteuils ou discouraient à haute voix sans se gêner. Peut-être faisait-il exprès d’ignorer ces changements. Mais, pour moi, ce spectacle était comme un mauvais rêve auquel l’appartement du chancelier, avec les modifications qui, depuis quelques mois, y étaient intervenues, fournissait le décor adéquat : on avait enlevé les tapisseries, décroché les tableaux, roulé les tapis pour les mettre, avec quelques meubles de valeur, en sûreté dans un bunker. Les taches claires sur le papier peint, les vides de l’ameublement, des journaux traînant partout, des verres et des assiettes vides, un chapeau enfin, jeté par quelqu’un sur une chaise, brossaient le tableau d’un déménagement en cours.
    Hitler avait, depuis longtemps, abandonné les pièces du haut, sous prétexte que les attaques aériennes l’empêchaient de dormir et diminuaient sa puissance de travail. Dans le bunker, disait-il, il pouvait au moins dormir. Aussi avait-il aménagé sa vie sous terre.
    Cette fuite qui l’avait fait se réfugier sous cette voûte sépulcrale me parut toujours avoir une signification symbolique. L’isolement de ce monde du bunker, entouré de tous côtés de béton et de terre, scellait définitivement cette retraite de Hitler, qui l’éloignait de la tragédie se jouant à l’air libre et avec laquelle il n’entretenait plus aucune relation. Quand il parlait d’une fin, c’est de la sienne qu’il s’agissait et non pas de celle de son peuple. Il avait atteint le dernier stade de sa fuite devant la réalité, une réalité que, déjà dans sa jeunesse, il ne voulait pas reconnaître. A l’époque, je baptisai ce monde irréel « l’île des bienheureux ».
    Dans les derniers temps de sa vie, en avril 1945, il m’arriva de me pencher avec lui sur les plans de Linz, contemplant en silence les rêves d’autrefois. Son bureau, protégé par un plafond de cinq mètres d’épaisseur recouvert de deux mètres de terre, était certainement l’endroit le plus sûr de Berlin. Quand de grosses bombes tombaient à proximité, le bunker vacillait dans sa masse tout entière, en raison des conditions favorables de la propagation des ondes explosives dans le sable de Berlin. Hitler sursautait alors sur son siège. Comme l’intrépide caporal de la Première Guerre mondiale avait changé ! Ce n’était plus qu’une épave, un paquet de nerfs, qui ne savait plus cacher ses réactions.
    On ne fêta pas à proprement parler le dernier anniversaire de Hitler. Alors qu’à l’habitude ce jour-là voyait un grand nombre d’autos défiler, la garde d’honneur présenter les armes, les dignitaires du Reich et de l’étranger venir apporter leurs félicitations, il régna cette fois-là un calme total. Certes, Hitler avait quitté le bunker pour les pièces du haut qui, dans leur abandon, offraient à son pitoyable état un décor approprié. Une délégation de la Jeunesse hitlérienne qui s’était distinguée au combat lui fut même présentée dans le jardin. Mais, après avoir tapoté les joues de l’un ou de l’autre, et dit quelques mots à voix basse, il en resta là. Il avait certainement le sentiment de ne plus pouvoir convaincre personne, sinon par la pitié qu’il inspirait. Nous évitâmes, pour la plupart, l’embarras où nous aurait plongés l’obligation de devoir présenter nos vœux, en venant comme toujours à la conférence d’état-major. Personne ne savait exactement ce qu’il devait dire. Hitler reçut les félicitations d’un air froid et

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