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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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enchaîna :
    — Un homme me plaît aujourd’hui, mais je suis tiraillée. Je me demande s’il faut que je fasse le premier pas, s’il faut le laisser venir ou s’il me faut l’oublier. Je me sens indécise…
    — Foncez ! répliqua Leni d’un ton impérieux.
    — Il est allemand, je suis française, je peux être appelée à tout moment à quitter ce pays… Quel espoir mettre dans cette relation ?
    La cinéaste hocha la tête.
    — Même sans espoir, l’amour est bon à prendre. Voyez ma relation avec Glenn. Elle est sans lendemain, mais nous sommes irrésistiblement attirés l’un par l’autre. A quoi bon tuer cet amour dans l’oeuf ? Je ne voudrais pas avoir des regrets et me dire plus tard : « Cet homme était peut-être l’homme de ma vie, et je n’ai pas osé. » En amour, oser est le mot d’ordre.
    Sur ces paroles péremptoires, elle ouvrit son sac et en tira un petit livre en anglais dont la jaquette jaune pâle portait le titre : The Prophet .
    — Cet ouvrage a été écrit par un auteur libanais, Khalil Gibran : il ressemble un peu à Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche, bien qu’il soit moins philosophique. Une amie de New York me l’a offert l’an passé et, depuis, il ne me quitte plus. Lisez, lisez le passage intitulé « L’Amour », et vous comprendrez.
    Claire prit le livre et lut à voix haute le texte indiqué :
    Quand l’amour vous interpelle, suivez-le.
    Même si ses chemins sont escarpés et raides.
    Et s’il vous enveloppe de ses ailes, abandonnez-vous à lui,
    même si le fil acéré de son pennage doit vous blesser.
    Et quand il parle, accordez-lui foi.
    Même si sa voix casse vos rêves comme le vent du nord dévaste le jardin.
    — Magnifique ! commenta-t-elle, bouleversée par ces mots.
    — Suivez toujours votre désir, ajouta Leni. C’est un guide plus sûr que la raison !
    Jugeant qu’elle avait suffisamment abusé du temps de la cinéaste, Claire la remercia et prit congé. En sortant du château, elle se sentit tout à coup plus légère, comme délestée du poids qui pesait sur elle depuis la trahison de son mari.

17
    Où l’on assiste à la naissance d’une idylle
    Claire s’enferma dans sa salle de bains et s’allongea dans sa baignoire remplie d’eau tiède. Elle s’immergea un moment pour faire le vide dans sa tête. Elle aimait cette sensation d’être hors du monde, seule avec elle-même dans le silence. Au bout d’une heure, elle se leva, se sécha et enfila ses bas. Puis elle ramena ses cheveux en chignon, revêtit un chemisier blanc au col montant et une longue jupe bleue, se parfuma et sortit.
    Ce soir-là, au Quasimodo, la Française regarda Oskar d’un autre oeil. Elle s’imagina dans ses bras et cette seule pensée lui procura un grand bien-être. Elle attendit la fin du récital pour l’inviter à sa table.
    — C’était merveilleux, lui dit-elle. Il est dommage que tu joues dans un café au lieu de te produire dans un théâtre…
    — Tu veux rire ! répliqua-t-il en se démaquillant à l’aide d’une serviette imbibée de crème. Par les temps qui courent, quel théâtre en Allemagne aurait le courage d’accueillir un jazzman ?
    — Le succès ne t’intéresse pas ? Tu n’as pas d’ambition ?
    — Je préfère l’esprit bohème des cafés et des tavernes. Ici, on n’a pas le sentiment d’être jugé ; les critiques ne viennent pas nous évaluer. Je décide seul de mon programme, je joue pour mon plaisir et pour satisfaire les habitués : c’est très bien comme ça !
    — On ferme ! annonça Helmut en renversant les chaises pour les poser sur les tables.
    — Je dois y aller, bredouilla Claire en se levant.
    — Il pleut, je t’accompagne, proposa le pianiste.
    Ils sortirent et, protégés par un petit parapluie qui les forçait à se serrer l’un contre l’autre, cheminèrent un moment sous la bruine.
    — Vis-tu seul ? lui demanda-t-elle.
    — Oui. J’étais marié, mais ma femme a sombré dans l’alcoolisme. Je suis longtemps resté à ses côtés, mais quand un malade ne veut pas s’aider lui-même, tous les efforts pour le guérir deviennent inutiles. J’ai fini par partir… Et toi ?
    — Je suis partie, moi aussi, mais pour d’autres raisons. Je vis chez ma mère, pas loin d’ici.
    — Chez ta mère, à ton âge ? s’esclaffa Oskar.
    — Ne te moque pas ! fit Claire en souriant. Mon journal n’était pas prêt à payer mon séjour, j’ai dû loger chez

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