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Byzance

Byzance

Titel: Byzance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michael Ennis
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Non, Dalasséna n’était pas un bouffon. Possédait-il des renseignements que Mar ignorait ? Ou bien voulait-il seulement faire naître des soupçons ?… Mais Dalasséna n’était pas rusé à ce point. Les craintes du grand domestique devaient être sincères. Dans ce cas, qui soutenait le jeune prince à l’insu de Mar ? Sûrement pas Nicéphore Argyros – ce n’était qu’un marchand grotesque et prétentieux qui jouait à l’aristocrate.
    Mais pourquoi s’inquiéter pour l’instant ? Si le prince en fuite montait trop haut, il suffirait de lui rappeler les chaînes qui le retenaient à la terre… Mar parut se perdre dans ses pensées, puis il prit sa plume d’oie et la trempa dans l’encrier d’or que lui avait offert Romanos. Il écrivit une longue lettre et en vérifia tous les détails. Ensuite, il ôta sa bague, alluma le bâton de cire rouge qu’il prit dans son secrétaire et apposa son sceau personnel sur la feuille. Il était ravi. Au Palais impérial, une attaque ne touchait pas au but si elle ne faisait pas d’une pierre deux coups. Et cette pierre-là avait des chances de toucher trois gros oiseaux à la fois.
    — Voici des instructions pour notre ami de la rue de Saint-Polyeucte, dit-il au décurion en lui remettant le document. Tu doubleras sa récompense habituelle. Assure-toi qu’il comprend tout . Et dis-lui que nous nous occupons de son frère, qui se trouve malheureusement à la prison de la Numéra. Nous avons réclamé sa libération, et il l’obtiendra peut-être avant la fin de l’hiver.
    Le décurion s’inclina. Mar Hunrodarson regarda, par la fenêtre aux vitres légèrement vertes qui éclairaient son bureau du troisième étage, le dôme gris de Sainte-Sophie terni par un ciel de plomb. Les eaux du Bosphore, piquetées par la pluie, semblaient d’étain. Les vagues douces lui rappelèrent la furie de l’océan du Nord.
    Il ouvrit la porte de son balcon à colonnes et sortit. Le vent du nord s’engouffrait sous les portiques de marbre comme pour annoncer les premières rigueurs de l’hiver. L’air semblait plus propre que dans la moiteur du long été du Sud. « Ces Romains ont bâti une ville magnifique, se dit-il. Mais elle sera encore plus magnifique une fois purifiée par la tempête qui s’annonce dans le Nord. »
    * *
*
    — Il assure que ce prix est inférieur à ce que cela lui a coûté, Haraldr Nordbrikt. Il vous supplie seulement de l’accepter à cause du prestige que lui conférera votre clientèle.
    La Marmotte s’interrompit. Il songea que ce marchand de tapis aux sourcils graisseux et aux yeux désespérés avait oublié d’ajouter un pourboire à la somme que Nicéphore Argyros réclamait, par l’entremise de son représentant la Marmotte, pour le privilège d’obtenir une audience du Barbare massacreur de pirates devenu fabuleusement riche. En outre le Barbare, d’une avarice surprenante, avait déjà refusé de nombreuses propositions d’agents représentant les entreprises diverses de Nicéphore Argyros, alors que certaines étaient source de bons profits ! Pas de temps à perdre avec ce colporteur de tapis. La Marmotte chassa d’un geste le gamin scrofuleux et le vieillard bossu qui portaient les marchandises du bonhomme.
    — Non, Haraldr Nordbrikt, massacreur de Sarrasins. Cette marchandise est inférieure. À un tel degré que nous devrions signaler ce fournisseur au préfet.
    — Plus de marchands ! gronda Haraldr dans le grec passable que la Marmotte lui avait enseigné pendant la longue traversée.
    — Oui. Je lui ai déjà demandé de partir, Haraldr Nordbrikt.
    — Pas seulement lui ! Tous ! Tous les marchands, sinon…
    Et Haraldr fit passer son index devant son cou.
    La Marmotte, nerveux, caressa de la main sa robe neuve en soie de Syrie et regarda la meute des marchands qui attendaient impatiemment dans la cour avec leurs pierres précieuses, leurs icônes, leurs vases de verre, leurs ivoires sculptés, leurs tapis égyptiens, leurs plats d’argent et d’or ciselé. Certains avaient même apporté des meubles, des chevaux de selle et des coffres-forts. Plusieurs avaient déjà échangé des coups, des nez saignaient, on parlait même d’une blessure de poignard. Or c’étaient les propriétaires des boutiques les plus respectables de la ville, des hommes qui portaient de la soie brodée pour travailler ! La Marmotte secoua la tête et calcula qu’il y avait trente-cinq à quarante pourboires à

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