Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

(pour rester dans les stéréotypes nationaux !), ces propos leur plairont ? Pas sûr !

    2 août
    Je déjeune avec Michel Debré que la situation politique accable de plus en plus. Il trouve la stratégie du gouvernement illisible, ne se préoccupant pas des vrais problèmes, se noyant dans des propos contradictoires. Il ne trouve pas non plus que Jacques Chirac soit dans une position de nature à le ramener au pouvoir.
    Il n’en va pas ainsi de sa vie politique à lui, Michel Debré, dont il dit qu’elle est derrière lui, pour différentes raisons, à la fois politiques et personnelles. Il y va de ce à quoi il croit encore, seul, de plus en plus seul dans son désert.
    Sur la stratégie politique et sur l’image d’Édith Cresson, la presse publie justement, aujourd’hui, des sondages contradictoires. LesFrançais ne savent trop quoi en penser. Parmi les ministres, c’est Jack Lang qui est au sommet, Bérégovoy et Dumas dans le creux.
    C’est moi qui tombe à mon tour dans le creux des vacances...

    20 août
    Une nouvelle fois, c’est pendant les vacances, tandis que l’actualité française se repose, que l’actualité internationale a pris le dessus. À Moscou, un coup d’État a renversé Mikhaïl Gorbatchev pendant qu’il était en congé dans sa datcha sur la mer Noire.
    On imagine ce 19 août dans le monde, l’animation des chancelleries, les coups de téléphone entre chefs d’État, les interrogations sur le sort de Gorbatchev et les chances de réussite des putschistes. Personne ne savait, hier, comment les choses allaient tourner. Pour Mitterrand, qui a passé la journée à l’Élysée, pendu au téléphone, cela n’a pas été une surprise. Je le sais parce que, pendant la guerre du Golfe, je l’ai entendu dire, au cours d’un petit déjeuner avec les journalistes, dont j’étais, qu’il mesurait la fragilité et la solitude de Gorbatchev, que celui-ci allait sans doute trop vite dans sa quête de démocratie et qu’il risquait de sauter sous la pression des conservateurs.
    Dans un premier communiqué, en milieu d’après-midi, Mitterrand, s’adressant aux conjurés, leur a seulement demandé solennellement de préserver la liberté et la vie de Gorbatchev. Pas un mot de condamnation du putsch.
    Il semblerait qu’il ait mis tous ses efforts à préparer l’interview télévisée qu’il a immédiatement annoncée pour le soir même 30 .

    22 août
    Il a été difficile pour moi de trouver Le Monde  ; je ne l’ai trouvé en gare de Naples que deux jours plus tard, lorsque le putsch avait déjà échoué.
    On retiendra donc qu’en lisant à la télévision, comme il l’a fait le 19, la lettre qui lui avait été envoyée par Guennadi Ianaev, le meneurdu coup d’État, François Mitterrand a semblé ne condamner le putsch que du bout des lèvres. Il a paru surtout convaincu, avant la fin des événements, de la fragilité, de la fin même de Gorbatchev. En donnant lecture publiquement, ce soir-là, de la dernière lettre que Gorbatchev lui ait adressée, il a laissé entendre que celui-ci s’attendait lui-même à rencontrer de graves difficultés. En citant enfin la lettre qu’il venait tout juste – dans l’après-midi du 19 – de recevoir du nouvel et éphémère homme fort soviétique, Guennadi Ianaev, il a pris acte du coup d’État, et, d’une certaine manière, l’a légitimé.
    Tout cela n’est pas totalement compréhensible : Mitterrand s’attendait-il tellement à l’échec de Gorbatchev qu’il s’y est résigné dès les premières heures du putsch ? A-t-il voulu ménager le nouveau pouvoir russe ?
    Une seule certitude : pour la première fois depuis 1981 sur un sujet de politique internationale, Mitterrand a paru dépassé. Pis : il a flotté 31 .
    C’est Boris Eltsine qui, à la fin de cette brève période – quelques heures seulement –, a raflé la mise 32 .
    De toute façon, pour moi, les vacances se terminaient.

    26 août
    Voilà quelqu’un qui n’a fait qu’un bref séjour dans un monde audiovisuel spécial, celui de la publicité : déjeuner avec Christiane Doré. Elle avait été bombardée présidente des régies publicitaires d’Antenne 2 et de FR3 alors qu’elle ignorait tout de la pub. Elle me raconte qu’elle a vite déplu au PS en refusant ce qu’avaient coutume, dit-elle, de faire ses prédécesseurs : redistribuer une partie des bénéfices de la Régie aux socialistes. Elle a donc dû vite laisser son