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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Marchais, Pierre Méhaignerie pour le CDS et Gérard Longuet pour le Parti républicain.
    Il est drôle d’observer le comportement des hommes politiques dans ces circonstances.
    Conformément à son habitude, Raymond Barre n’a pas dit un mot en sortant de sa conversation, qui a duré une heure, avec le Président.
    Mauroy a souligné à la sortie que « la partie n’était pas jouée d’avance » : « Ce que nous espérons, a-t-il ajouté, c’est qu’on ne puisse pas revenir en arrière sur la construction d’une Europe forte, sûre d’elle-même. »
    Jacques Chirac a abondamment fait savoir qu’il avait fait part à Mitterrand de « son indignation face à la lâche passivité de l’Europe et aussi de la France dans le drame qui se déroule en Yougoslavie depuis six mois. L’Europe des riches, des nantis, a-t-il ajouté, ne peut pas être indifférente à la situation de l’Europe de la misère ».
    Georges Marchais a dit qu’il était hostile aux projets de traités européens, car « au nom de l’union économique et budgétaire, il s’agit en réalité de placer la politique française sous la tutelle de l’Allemagne et des banques. Pour le PCF, c’est non, non et non ! » a conclu vigoureusement Marchais.

    4 décembre
    Déjeuner avec Alain Carignon 40 . Son analyse de la crise de la société politique :
    – dans des domaines de plus en plus nombreux, la décision appartient de plus en plus aux individus. Sauf dans le domaine politique où, dans un mouvement de sens inverse, la décision est réservée aux hommes politiques sans concertation ni sanction. C’est ce paradoxe qui explique le désir des citoyens d’exercer une part croissante de responsabilités sur la décision publique.
    – le champ clos des partis politiques de droite et de gauche : « L’air, dit-il, ne passe plus. »
    – la multiplication des élus. Il cite le nombre des élus locaux, nationaux, européens, en Isère par exemple. Il arrive à un chiffre astronomique : 6 000 élus locaux, 17 députés, je ne sais combien de sénateurs. Tous ces élus se mêlent indifféremment de tous les problèmes : éducation, logement, environnement, etc. « Il faudrait, dit-il, mettre tout cela à plat, diminuer le nombre de députés et de sénateurs – et ne pas les augmenter, comme je l’entends proposer par le parti majoritaire. Il faudrait sinon changer la Constitution, du moins la revoir. »
    Rien de tel ne se fera, inutile de le dire.
    La crise, ajoute-t-il, est une crise d’autorité d’un bout à l’autre de la pyramide sociale.
    Cette crise, termine-t-il, risque d’englober la société médiatique. Encore que la télévision et, de façon plus générale, la presse laissent un espace au débat. « Ce sont les derniers remparts de ce point de vue, dit-il. Pourtant, ils risquent d’être atteints à leur tour par la contestation générale de l’ordre et des hiérarchies établies, et surtout par cette idée que la politique appartient à tout le monde, qu’elle a été confisquée au peuple et qu’il va falloir la lui rendre. »
    Alors, l’avenir ? En dépit de son air juvénile, Alain Carignon n’est pas un débutant. Il s’est fait connaître comme maire de Grenoble en 1983 en chassant le socialiste Hubert Dubedout. Il a continué en faisant partie l’année dernière de ces rénovateurs du RPR qui ont mis à mal, un temps, l’autorité de Jacques Chirac avant que celui-ci ne reprenne le contrôle des opérations. Il n’aime pas Mitterrand, certes, tout en ne raffolant pas, c’est un euphémisme, de Chirac.
    Pour lui, François Mitterrand n’a pas vraiment conscience de tous ces mouvements de révolte, de rébellion, de remise en cause de la politique. Carignon l’a rencontré en mai dernier à je ne sais quelle occasion, et lui a parlé de toutes ses angoisses d’homme politique qui, en dépit de ses efforts, se sent de plus en plus contesté parceux auxquels il consacre sa vie. Par parenthèse, je trouve assez drôle qu’ancien ministre de Jacques Chirac 41 pendant la cohabitation, il soit allé ouvrir son cœur à François Mitterrand ! Néanmoins, celui-ci lui a répondu : « Détrompez-vous, il n’y a là rien de plus naturel. Il en a toujours été ainsi. Les périodes où les hommes politiques sont honorés sont rares. La règle, c’est le contraire : ils sont honnis, vilipendés, contestés. Pour moi, les choses ont toujours été ainsi. »
    Mitterrand,

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