Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
révélation.
L’affaire Botton prend des proportions inimaginables. Le juge Courroye veut faire inculper des journalistes, dont PPDA, mouillés dans des déplacements en avion payés par Botton. PPDA a aggravé son cas en disant à l’antenne qu’il s’agissait d’une affaire politique. « Nous, politiques ? » s’est insurgé le juge de Lyon. Il resterait que des journalistes « auraient fait partie de l’industrie Botton » !
2 décembre
La révision constitutionnelle proposée par Mitterrand est décidément un retentissant échec. Pourtant, il n’avait pas en tête que des idées tordues : celle, par exemple, de forcer une fois de plus l’opposition à voter pour lui. Il propose de réformer des tas de pratiques, d’articles et de dispositions constitutionnelles qui font depuis longtemps problème : la durée du mandat présidentiel, la saisine directe du Conseil constitutionnel, la Haute Cour, le Conseil de la magistrature. Certes, c’est bien, c’est très bien. Mais n’est-ce pas un peu tard ? Même chose pour la modification de l’article 49.3, pour le rôle des députés dans l’élaboration du budget social de l’État. Tout cela sentle fagot, si j’ose dire. En outre, parce que le pouvoir est dans la dernière ligne droite avant les législatives, il est aisé, pour ses adversaires, de crier à la manœuvre. Donner, par exemple, à un Comité consultatif la mission de rendre ses conclusions en février, à quelques jours du scrutin de mars prochain, ce qui, en soi, n’est pas une mauvaise idée, apparaît à l’opposition comme un piège plutôt grossier.
L’opposition s’est déjà fait hacher menu par le référendum sur l’Europe, elle ne tient pas à recommencer de sitôt. Elle vient de décider, à l’unanimité cette fois, de ne pas participer au Comité consultatif constitutionnel.
Morale de cette histoire ? Il y a peut-être, et même sûrement, de très bonnes idées dans le texte de Mitterrand, établi après consultation de Robert Badinter, Jean Kahn et Michel Charasse. Des idées partagées par Giscard et bien d’autres à l’intérieur de l’opposition. Seulement voilà : celle-ci prête à Mitterrand tant d’intentions malignes que, désormais, quoi qu’il fasse, toutes ses initiatives seront pulvérisées. On ne prête qu’aux riches...
Quant à Michel Rocard, il prend ses distances faiblement, en trouvant qu’il n’y a pas, dans la discussion constitutionnelle en cours, de réelle urgence. Timide, peut-être efficace, néanmoins, pour bloquer la balle.
5 décembre
Jeudi soir, après la projection de son film, Le Grand Pardon II , Roger Hanin raconte cette histoire : il s’agit d’une femme enceinte qui avait reçu une décharge de chevrotine. Quelques années plus tard – elle a eu des triplés –, ses trois enfants n’arrivent pas à trouver le sommeil. Le premier fait pipi, expulse des plombs de chasse, a peur, questionne sa mère qui lui donne l’explication du phénomène. Quelques minutes après, même interrogation du deuxième enfant, même réponse. Le troisième enfant hurle alors : « Maman, maman, je me suis masturbé et j’ai tué le chien ! »
Je ne raconterais pas cette histoire idiote si Roger Hanin n’avait enchaîné comme suit :
« Bof, ça, ce serait impossible à faire avec un cancer de la prostate ! »
Christine Gouze-Raynal s’étouffe. Je plonge le nez dans mon assiette.
« Bon, dit Roger Hanin, il est temps de partir, non ? »
Rentrée de François Léotard qui, visiblement, n’en peut plus d’attendre un non-lieu qui ne vient pas. Tant de foin pour avoir quitté la vie politique quelques semaines, je n’en reviens pas...
Les élections primaires au sein de l’opposition ? Il n’y croit pas. La cohabitation ? Il sera impossible de ne pas l’envisager : comment solliciter un mandat des électeurs et refuser de l’assumer ?
Le plus intéressant, c’est ce qu’il ne dit pas. Sur lui, sur son inculpation : il se défend avec, au fond des yeux, un air tragique, fragile, malheureux, qui le fait, d’un coup, ressembler à son frère.
14 décembre
Départ de TF1. Je suis incapable d’en parler aujourd’hui. Plus tard, peut-être, quand mon émotion et ma colère seront retombées...
15 septembre
Édith Cresson à nouveau : je suppose qu’elle a voulu me revoir après mon départ, sachant à quel point tout départ est douloureux.
Lorsque j’arrive, Abel
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