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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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viticulteurs avaient les mêmes obligations, on rouspéterait, mais il n’y aurait pas d’injustice ! Mais chaque fois que Bruxelles réglemente et que Bruxelles impose l’application de ces mesures, nos partenaires ne le font pas, et alors, naturellement, notre compétitivité décroît ! »
    À l’entendre, impossible de penser qu’il a finalement voté le traité de Maastricht ! Ce soir, il apparaît même comme son principal opposant.
    Il parle du revenu agricole, sujet sur lequel il est incollable, puis de la fiscalité, pour réentonner le couplet sur la technocratie : celle de Bruxelles et de ses institutions. Puis un petit couplet sur l’invasion des vins étrangers. Il parle, fait-il remarquer, de protection (et pas de protectionnisme, nuance importante !) contre les vins de qualité inférieure venant d’autres pays que de ceux de la Communauté. « Nous aurons besoin d’un ministre de l’Agriculture musclé », précise-t-il à l’évocation de tout ce qui attend les viticulteurs du coin.
    Posant une question sur la forêt, un interlocuteur reparle de la loi Évin et de ses réglementations sur la publicité.
    « Ah ça, reprend Chirac, la loi Évin, c’est une loi typiquement socialiste ! »
    Pourquoi ? D’abord parce qu’elle aboutit à des contradictions, comme celle d’avoir récemment interdit à Robert Poujade de faire de la publicité pour la foire internationale de Dijon. « Absurde, évidemment ! »
    « Cette loi, poursuit Chirac est tellement tordue, irréaliste, qu’elle se heurtera d’une part à Bruxelles, et de l’autre à la réalité du terrain. Donc, elle ne marchera pas ! »
    Il enchaîne sur une grande tirade sur le thème de la « fatalité » : « Pas de fatalité de l’échec, pas de fatalité de la décadence ! » Pour ce qui est du chômage, il stigmatise les 400 milliards de francs quecela coûte à l’État, et trouve pour la première fois – du moins est-ce la première fois que je l’entends – un slogan d’un évident bon sens : « Il vaut mieux payer un peu pour que les gens travaillent que payer beaucoup pour les mettre au chômage ! »
     
    J’abandonne un moment les thèmes de son discours pour parler avec Lydie Gerbaud, sa fidèle chargée de presse. Elle me confie que Chirac n’ira pas à Matignon cette fois-ci, qu’il en reste à son idée de proposer le poste à Balladur. Dans ce cas, que deviendra Chirac ? Président de l’Assemblée nationale ? Qu’y gagnerait-il par rapport à la Mairie de Paris ? Rien : le mieux serait qu’il reste à l’Hôtel de Ville.
    Question à laquelle personne pour le moment n’a de réponse : comment s’organisera la concertation entre Jacques Chirac et Édouard Balladur ?
     
    Deuxième digression : Lydie me parle du conflit qui gronde entre Jean-Jacques Servan-Schreiber et Jacques Chirac. De quoi s’agit-il ? J.-J. S.-S. fait dans son dernier livre allusion à un dîner impromptu avec Chirac où celui-ci serait venu, en 1974, lui proposer un complot contre Giscard. Chirac était à Rennes lorsqu’il a appris que Paris Match s’apprêtait à publier les bonnes feuilles du livre. J.-J. S.-S. n’a d’ailleurs pas attendu la publication des bonnes feuilles pour en parler, hier ou avant-hier, sur TF1.
    Émoi, fureur, dénégation, trahison !
    Franchement, je vois mal Chirac s’inviter un beau jour à dîner chez Jean-Jacques Servan-Schreiber. Qui ment ? Les deux en sont capables. Sur le fond, Chirac et Giscard n’ont plus grand-chose à entendre l’un sur l’autre. Le problème est que, cette année, ils font campagne ensemble : la révélation d’un complot ourdi par Chirac en 1974 (avant, donc, de lui donner le coup de pouce des 40 parlementaires RPR qui se sont ralliés à VGE) ferait mauvais effet.
     
    Je reprends mes notes sur le déplacement de Chirac. Nous voici maintenant à la Maison des associations où Chirac rencontre les syndicalistes de Hoover, entreprise américaine qui vient de délocaliser en Écosse les activités de son usine bourguignonne. Il leur prodigue des conseils que ceux-ci écoutent avec beaucoup d’attention. Il leur faut, leur dit-il, exiger du gouvernement qu’il négocie un plan social sérieux avec les salariés. « Les Américains, dit-il au grand plaisir deson auditoire, se sont conduits comme des gougnafiers ! C’est le seul domaine dans lequel le gouvernement peut exiger quelque chose : il faut être féroce sur le

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