Chronique de mon erreur judiciaire
sur la Bible qu’il n’avait jamais violé, agressé sexuellement ou même touché un seul des huit enfants qui l’accablent. Puis Roselyne Godard a été entendue sur les mêmes sujets qu’avant – comme si rien n’avait été mis à jour durant ces semaines de procès – conduisant son avocat à s’insurger des méthodes d’interrogation du président et à plusieurs fois se mettre en colère. Comme s’il fallait absolument protéger la machine.
*
Nouvelle journée d’audience. Où j’arrive conduit par un ambulancier. Comme je dois passer ce matin, la boule d’angoisse obstruant ma gorge a gonflé encore : au fond de moi, une certitude est en train de monter. Je suis d’avance condamné parce qu’il ne m’apparaît pas matériellement possible que je sois acquitté, même innocent : le scandale serait trop important et rejaillirait sur l’institution. Il faudra pour certains se rattacher à quelque chose à tout prix, et on va fondre sur les fabulations de Sébastien. Comment pourrait-il en être autrement ?
La séance débute avec la fin de l’interrogatoire de Roselyne Godard, petit bout de femme qui doit être d’une grande douceur et dont je reste persuadé de l’innocence, la jugeant seulement coupable d’avoir un grand cœur. Mais elle doit affronter des adversaires retors. Ainsi une avocate des parties civiles s’en prend violemment à elle, trouvant étrange sa présence le soir à la Tour du Renard, ses problèmes d’argent récurrents et sa générosité selon elle suspecte. Et de lui lancer : « Avouez, dites-le que vous avez eu des relations sexuelles avec Myriam Badaoui. » Maître Dupont-Moretti vient alors à son secours et, pour ne pas laisser ainsi salir sa cliente, rétorque à cette juriste qu’elle est « hystérique et malhonnête », la qualifiant également de « procureur de bas étage ». Face à cette volée de bois vert, sortant de ses gonds, la conseil des parties civiles lui décoche un « Ta gueule » avant de se tourner vers le public en faisant le V de la victoire avec ses deux mains. Mais où va-t-on si même les hommes de loi se comportent ainsi ? Le président se voit, devant le tumulte, obligé d’ordonner une suspension de séance.
À la reprise, les esprits se sont calmés mais ma pauvre boulangère, au cœur gros, finit écroulée sur sa chaise. C’est au tour de son mari, Christian Godard, d’apparaître. Lui aussi réaffirme son innocence. Par chance, il n’est pas questionné par les parties civiles, celles-ci ne semblant plus vouloir l’accuser. Odile est également entendue rapidement ; éprouvée, elle met un long moment avant de parvenir à expliquer attendre « avec impatience que ça se termine » ! Quant à mon audition, elle s’avère tout aussi expédiée, quinze minutes au plus. Je réponds juste à quelques questions de l’avocat général sur les jouets des enfants et à l’une des avocates des parties civiles sur les déclarations du concessionnaire Renault.
Le président ne m’interroge même pas, laissant à maître Delarue le soin d’intervenir. Sur Sébastien brisé, sur ma maison disparue. Et lorsqu’il veut savoir comment je ressens cette histoire, les larmes me viennent instantanément. Un lourd silence pèse sur la salle. Après un court moment, tremblant, je bredouille quelques phrases, rappelant le décès de maman, mon envie de revoir mes enfants, de réunir la fratrie, d’essayer de prendre un nouveau départ. Tout en précisant que jamais je ne parviendrai à oublier le mal qu’on nous a fait, à moi, ma femme, Thomas, Sébastien et Cécile. Quand le président clôt la séance, je suis fatigué, vidé, liquéfié.
Mon défenseur s’apercevant de ma faiblesse, j’obtiens l’autorisation de ne pas suivre la fin de l’audience pour me rendre à l’hôpital. Où je passe la journée à tout ressasser, informé le soir des péripéties du procès : les déclarations des enfants Delay qui ne nous mettent plus en cause ; le jeune Karim qui exprime même des regrets ; Sandrine Lavier apparue convaincante tandis que Franck s’est perdu en explications contradictoires ; Thierry Dausque niant tout…
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Après une bonne nuit de sommeil, aidé par les médicaments, à l’hôpital psychiatrique, j’arrive au palais de justice assez tôt pour avaler un café avec Odile et des avocats mais aussi prendre connaissance des expertises effectuées sur les enfants Delay. Où, me concernant, je
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