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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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laquelle avait en effet un petit faible pour notre petite dernière, craignait notre aîné et tançait régulièrement Sébastien pour éviter les conflits ? Il me reproche encore de n’avoir jamais su établir un vrai dialogue, ce que je concède volontiers puisque mon travail absorbait la quasi-totalité de mon temps. Quand j’entends l’expert rapporter cela, la honte m’envahit, sachant pertinemment que je suis innocent et que jamais je n’ai agressé sexuellement mes enfants.
    La psychologue décrit ensuite Sébastien comme un enfant brillant et intelligent ayant connu une mauvaise année scolaire parce qu’il se sentait dévalorisé. Et pour cause, je n’ai pas pu être à ses côtés pour l’encourager. Elle ajoute qu’il a beaucoup de copines, aimerait être pilote de ligne, apprécie la guitare classique et l’équitation, autant de détails que l’on m’a cachés et qui ont fragilisé les liens existant entre nous. Autre enseignement de ce rapport, mon fils vit douloureusement le procès, étant fortement angoissé des résultats et en proie à un sentiment d’auto-dépréciation intense.
    Questionnée par maître Delarue, l’experte indique ne pouvoir dire si mes gestes avaient une connotation sexuelle mais estime que l’enfant l’a ressenti comme tel. Quant à ses atermoiements et revirements, cette psychologue convient qu’il est possible que Sébastien ait pu être influencé, voire manipulé… En fin d’audience, n’en pouvant plus, j’interpelle cette femme en lui demandant : « Je voudrais comprendre pourquoi mon fils dit cela car je n’ai jamais touché mon enfant. » Son silence ne m’apporte aucune certitude ni apaisement.
    Meurtri par de tels propos, j’explique alors à mon avocat, ayant conscience de la peine de mon fils, que je suis prêt à m’accuser si cela peut l’aider, en somme prêt à me sacrifier tellement je culpabilise de n’avoir pas partagé ses douleurs. Mais lui, avec une grande pertinence, me rétorque que cela n’a aucun sens, qu’il me faut m’en tenir à la vérité stricte et songer à mes autres enfants, lesquels ont besoin de moi. Il a raison, mais quel échec personnel. Face aux journalistes qui m’interviewent, je reconnais avoir « oublié de vivre en travaillant trop dur et en être maintenant puni ».
    *
    Mon nom réapparaît lors de la prestation de la psychologue ayant discuté avec les quatre garçons Delay, femme modérée, qui a obtenu des réponses spontanées, donc vraies, car sans orientation ni influence. Je suis cité, certes, mais surtout disculpé. Karim me met totalement hors de cause ; Dave, toujours délirant, qualifie sa mère de « pute » et prétend qu’elle m’a un jour proposé d’abuser de lui et de ses frères mais que j’ai refusé – affirmation mise en doute par lui-même – et Johnny me blanchit totalement.
    *
    Durant la suite de cette semaine de procès, la parole des experts me passe peu à peu au-dessus de la tête, tant les psychologues, psychanalystes, psychiatres ou pédopsychiatres palabrent sans forcément se mettre d’accord. Comme rien ne me concerne, je me perds dans mes pensées, rongé par mes erreurs éducatives. Une phrase du livre de Paul Bensussan, La Dictature de l’émotion, tourne sans cesse dans mon cerveau : « Voulant rattraper le temps perdu, il l’avait fait avec maladresse, déphasé dans sa relation avec des enfants dont il n’avait pas suivi l’évolution. » La sentence n’est-elle pas adaptée à mon cas ? N’ai-je pas trop souvent transformé le peu de temps accordé à mes enfants en moments marqués soit par trop de sévérité, soit par une euphorie contagieuse mais passagère, ces humeurs dépendant de ce qu’Odile me racontait ? N’aurais-je pas dû, certains dimanches, me réserver pour les miens au lieu d’aller régulièrement travailler à l’Étude ? Et puis, comment n’ai-je pas perçu les signaux de détresse que mes fils m’envoyaient, trop claquemuré dans mon mode de raisonnement, mon éducation et mes horaires de fou ?
    Le même Paul Bensussan affirme aussi : « Si l’enfant dit sa vérité, cela ne signifie pas qu’il dit la vérité. Et nous avons eu à examiner de très nombreux enfants, dont le récit avait été induit ou suggéré, soit par la sollicitude anxieuse de son entourage, soit par la multiplication d’interrogatoires domestiques extraordinairement mal conduits et suggestifs. Ces enfants étaient

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