Chronique de mon erreur judiciaire
et de la justice, elle assaille les accusés et pourfend l’objectivité de la presse. Des paroles qui font sortir les journalistes de la salle d’audience. Revenue à plus de mesure, elle se dit persuadée que certains des prévenus sont innocents quand, selon elle, de vrais coupables sont toujours dans la nature. Et de conclure en réclamant plus de moyens pour la justice afin de recueillir la parole de l’enfant.
D’emblée, l’avocat de l’association la Voix de l’Enfant affirme être un juriste militant de la cause des enfants et non un procureur bis. Et pourtant, il nie l’idée d’erreur judiciaire en la circonstance, considère qu’aucun doute n’est vraiment apparu et juge l’aveu comme une preuve absolue. En fait, on le devine, à ses yeux la sacralisation de la parole des enfants est obligatoire. Il concède par ailleurs que le dossier souffre de maintes imperfections, que l’enquête n’a pas été satisfaisante, que les conditions de réception de la parole des enfants ont été désastreuses, imperfections à mettre sur le compte de « la jeunesse d’un magistrat tout frais émoulu de l’école ».
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Le caractère volontiers exagéré des péroraisons de ces différents représentants des associations fait bondir les avocats de la défense. Maître Delarue hurle dans la presse que : « C’est ignoble ! Comment des avocats qui n’ont été présents que deux jours lors du procès, et encore en dormant ce matin pour l’une d’elles, peuvent-ils faire et dire cela ? Et que devraient dire les associations de défense de l’enfance qui sont représentées de cette manière. Ce n’est ni sérieux, ni crédible ! »
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Autre intervenant à distiller sa vindicte, le représentant du conseil général. Qui commence par Sébastien. Cette avocate m’assassine pendant cinquante minutes, insistant sur toutes les déclarations de mon fils, faisant le maximum pour éviter mon acquittement. Disant que mon petit est un enfant brillant, sensible, mature, pleinement conscient de ses paroles comme de leurs conséquences, elle prétend qu’il ignore ce qu’est la sexualité – ce qui est faux puisque je lui ai appris la fécondation de l’ovule et la procréation avec des mots simples – et sait établir une différence entre un geste volontaire ou pas, ce en contradiction avec maints experts. C’est une descente en flammes impitoyable à laquelle elle se livre, trouvant les mots pour me faire mal et m’atteindre. Pourquoi se polarise-t-elle ainsi sur moi ? Pourquoi consacre-t-elle presque une heure à distiller sur moi son venin et se contente-t-elle de dix minutes seulement sur chacun des cinq enfants qui se disent victimes de viols, pénétrations, agressions sexuelles et actes de barbarie ? Doit-on absolument faire passer le message que, même si l’instruction n’a pas manqué de failles, de « vrais pédophiles » ont été rapportés dans les filets ; que si différentes chambres ont soutenu le magistrat et maintenu ma détention provisoire, c’était à juste titre ?
L’audience s’achève à 19 h 15 et je reste prostré sur mon siège, la tête enfouie dans mes bras. J’attends que tout le monde sorte de la pièce pour me lever. Sans dire un mot. En ne voulant plus rien entendre. À quoi bon vivre, parler, puisque, désormais, je serai toujours pour certains, malgré la vérité, un être ayant osé attenter à son propre fils.
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Maître Normand ouvre l’audience du jeudi 24 juin. Et là encore je me retrouve dans l’œil du cyclone.
Après avoir indiqué « qu’il serait insupportable que la parole d’un enfant puisse condamner un innocent, mais [qu’]à l’inverse il serait tout aussi insupportable qu’un enfant ne fut pas cru quand il désigne un coupable », ce qui à ses yeux constitue tout le dilemme du procès d’Outreau, il entame une étonnante description du dossier. En effet, s’il s’interroge sur la personnalité du juge Burgaud – tout en prenant soin par ailleurs d’affirmer que ce procès ne peut en aucun cas être celui de l’institution judiciaire dans son ensemble –, il estime que le magistrat instructeur, même s’il a sans doute manqué de clairvoyance et de bon sens, mérite la mention passable dans la conduite de ce dossier !
Puis il se pose des questions quant à la culpabilité de trois personnes. Dont moi. Un revirement étonnant puisqu’il y a quelques jours à peine, il me déclarait être convaincu de
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