Chronique de mon erreur judiciaire
juge qui a croisé la parole d’une mythomane avec la parole d’un enfant fou », il reprend point par point toutes les accusations, et notamment celles de mon fils, en les démontant, en rappelant qu’elles sont nées dans cette école où Sébastien fréquentait assidûment Dave Delay. Une prouesse de deux heures que je juge efficace, sans savoir à quoi elle servira. Bravo mais alea jacta est !
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Le lendemain, nombreux sont ceux à venir me témoigner leur solidarité. Du réconfort qui, venu de journalistes, des familles des accusés ou de simples connaissances, me va droit au cœur. Entre les treize mis en cause a germé une sorte de « complicité » dans la douleur, si forte que nous avons pris l’habitude de nous encourager mutuellement. Et avant de passer l’épreuve des ultimes plaidoiries de la défense, cette solidarité rassure.
Maître Roy Nansion, intervenant pour David Delplanque, qualifie ce dossier de « procès de l’impossible ou plutôt de celui où tout est possible ». Vibrante, elle décrit son client comme « un garçon paumé, dans un immeuble pourri, en prise avec une tornade noire nommée Myriam Badaoui ». Il a été, selon elle, entraîné dans un procédé infernal par « des chasseurs de chair fraîche. »
Pour Daniel Legrand père, Julien Delarue cite la parole du Christ : « Ils ont des yeux et ne voient pas, ont des oreilles et n’entendent pas », parle de « la rafle du 14 novembre 2001 » et pourfend la méthode ayant consisté à jeter à la corbeille le code de procédure pénale pourtant là pour protéger le citoyen. Et ce conseil en colère supplie les jurés de « rendre la justice dans un dossier qui en a tant manqué ».
Après avoir réfuté à son tour la thèse du réseau, maître Lejeune, avocat de Dominique Wiel, décortique la célèbre missive des services sociaux du 7 juin 2001, lettre de cachet qui emporta dans la tourmente « le cercle des notables », et souligne point par point les qualités de son client prêtre. Affirmant que l’abbé est un pauvre parmi les pauvres, un humble parmi les humbles à qui elle confierait son propre enfant pour les vacances, elle conclut : « Laissez-le continuer à aimer son prochain plus que lui-même. » À mon sens, l’acquittement est assuré.
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Maître Pascale Pouille plaide pour Myriam Badaoui. Un exercice particulièrement difficile. Immédiatement le ton est donné, et les avocats des parties civiles, qui brillaient par leur absence depuis le début des interventions de la défense, réapparaissent. L’avocat ose un parallèle entre le portrait tracé de l’épouse Delay et George W. Bush ayant fait croire au monde que Saddam Hussein avait amassé des armes de destruction massive. Vindicative, elle pourfend les avocats qui l’ont dénigrée, se disant blessée par « l’hostilité de ses confrères de la défense » et, même, par la « haine ambiante » qui règne dans la salle d’audience depuis le début du procès. Elle tente aussi d’alléger un peu le lourd fardeau de sa cliente en remarquant qu’« elle est la seule à avoir alerté les services sociaux pour que les viols cessent sur ses quatre enfants », la seule également « qui a toujours soutenu leur parole ».
En gros, considérant que Myriam Badaoui n’est pas la principale accusatrice, elle remet en cause les réquisitions de l’avocat général quand il dénonçait « la petite entreprise de prostitution » ou qualifiait le couple Delay de prédateurs. En définitive, elle implore les jurés de condamner sa cliente pour ce qu’elle a fait et non pour « ce qu’on veut lui faire porter ».
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Et c’est à maître Dupont-Moretti de clore le défilé des avocats en défendant Roselyne Godard. Une plaidoirie brillante, qui souligne la souffrance des enfants, pointe du doigt la parole de Myriam Badaoui en lui lançant : « Vous êtes aux mensonges ce que Richter est aux séismes », avant de s’attaquer à la statue du juge d’instruction. Ironique, il lâche ainsi sans sourciller : « Traverser une vie et attendre Fabrice Burgaud pour exister, c’est pathétique ! »
À son tour, il remet en cause la façon dont la parole des enfants a été recueillie et estime que si ce procès pouvait servir à quelque chose, ce serait pour rappeler à chacun la nécessité du principe fondamental qu’est la présomption d’innocence. À ses yeux, le législateur doit repenser l’instruction
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