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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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cours devant la cour d’assises du Pas-de-Calais à Saint-Omer, explique le texte, les avocats des accusés ont mis en cause la compétence professionnelle et la solitude du juge d’instruction de Boulogne-sur-Mer qui avait instruit cette affaire. À ce sujet, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance que les vérifications faites au greffe de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Douai ont été rendues à propos de ce dossier, depuis 2001 et jusqu’en 2004, deux cent soixante arrêts, soit : pour le contentieux de la détention, deux cent quarante-quatre arrêts (quinze en 2001, quarante-neuf en 2002, cent six en 2003, soixante-quatorze en 2004) ; pour le contentieux de fond : six arrêts et sept ordonnances du président. Cinquante-trois magistrats différents du siège ont participé aux délibérés, onze magistrats du parquet général ont requis dans ces dossiers. Les magistrats de la chambre criminelle de la cour de cassation ont rendu le 15 octobre 2003 un arrêt rejetant les pourvois formés contre l’arrêt de mise en accusation et de renvoi de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai en date du 1 er   juillet 2003.
    En lisant ce texte, un frisson parcourt ma peau. Pas de doute, tout le monde s’est trompé et n’accuser que le seul juge Fabrice Burgaud serait désigner un bouc émissaire commode et exonérer trop aisément les autres. Autant de magistrats sont intervenus mais aucun n’a vu ce qui se passait. Immédiatement, une autre réflexion surgit en moi : puisque le nombre de professionnels impliqués est très élevé, il ne pourra pas y avoir treize acquittements. La justice devra se raccrocher aux branches, tenter de justifier les détentions arbitraires, bref préférera condamner des innocents plutôt que de jeter définitivement l’opprobre sur son fonctionnement.
    *
    14 h 15. Odile regarde un film avec la collaboratrice de son avocat. Derrière elles, Franck et Sandrine Lavier jettent un œil sur l’écran. Daniel Legrand père est assis sur son banc, le regard vide. Dominique Wiel prend connaissance de la fameuse lettre et s’avoue désemparé par la bêtise humaine. Roselyne Godard lit le journal, assise à sa place ; Thierry Dausque montre des yeux hagards ; Karine Duchochois somnole. Pendant ce temps, dans la salle des pas perdus, Aurélie Grenon discute avec deux policiers, Pierre Martel essaie de finir un article et David Brunet poursuit une sieste, imité par Christian Godard.
    À 16 heures, le procureur de la république de Saint-Omer nous avertit qu’un cameraman va faire quelques prises de vue. Comme nous refusons d’être filmés, nous nous allongeons sur les bancs. À son départ, un factotum vient changer une ampoule du lustre. Le train-train continue. Je m’installe sur mon siège, salué par un confrère huissier de justice à Saint-Omer qui me souhaite du courage. Peu à peu, une réelle complicité se tisse entre tous les accusés innocents. Nous échangeons nos numéros de téléphone et nos adresses pour « créer un réseau ». En transformant tout en dérision, nous essayons de nous convaincre qu’il y aura treize coupables ou treize acquittés. Entre deux rires nerveux, nous tirons même des plans sur la comète, imaginant nous réunir après le verdict pour boire un verre ou sortir en discothèque. Et puis, à plus longue échéance, nous édifierons un collectif permettant de faire de ce procès un exemple à ne pas suivre.
    Cette amitié naissante m’émeut mais aussi m’inquiète. Ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. L’institution judiciaire s’est trompée une fois, elle peut commettre une nouvelle erreur. Pour tenter de chasser cette idée négative, je vais boire un café sous la surveillance d’un CRS. Soudain, mes douleurs à la poitrine réapparaissent, obligeant un pompier de service à prendre ma tension. Situation ubuesque entre toutes : le procureur de la république de Saint-Omer vient plaisanter avec moi. Sachant pertinemment que je n’ai pas déjeuné, il me demande ce que je désire pour ce soir. Je lui réponds : des crudités.
    18 heures. Nous échangeons nos souvenirs de l’univers carcéral. Et défilent à nouveau l’instruction, les arrestations… J’apprends qu’une des accusées aurait, lors sa garde à vue, subi des violences physiques. Grâce à dieu, je n’ai pas bénéficié de ce « traitement de faveur ».
    19 h 15. Notre

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