Chronique de mon erreur judiciaire
David Delplanque qui conserve son air effacé. Par mimétisme avec les avocats, je note sur une feuille de papier les noms des dix-sept accusés. Mon estomac est noué par la peur, trop conscient qu’un jury populaire relève de la loterie. Les vautours siégeant au perchoir et les représentants des parties civiles semblent prêts à manger du cadavre.
Un peu avant deux heures du matin, l’huissier audiencier crie :
— La Cour !
*
Nous nous levons puis, invités à nous asseoir, le président annonce sans retard que « la cour d’assises rend son verdict » !
Il égrène alors nos noms un par un. Lorsque j’entends prononcer le mien, une panique me saisit. Tremblant comme une feuille, je me demande qui sont ces personnes qui ne me connaissent pas mais ont prononcé un jugement sur la base d’une mise en scène remarquablement interprétée à partir de laquelle ils ont forgé « leur intime conviction ».
*
Thierry Delay : condamné à vingt ans de réclusion criminelle. La Cour a retenu sa culpabilité pour le viol de neuf enfants et d’atteintes sexuelles sur six autres. Il est en outre condamné pour corruption de mineurs et proxénétisme aggravé.
Myriam Badaoui : condamnée à quinze ans de réclusion criminelle. Elle a été reconnue coupable de sept viols d’enfants. Elle est en outre condamnée pour dix atteintes sexuelles sur des enfants et pour cause de proxénétisme aggravé.
Dominique Wiel : condamné à sept ans d’emprisonnement pour les viols de trois enfants et d’agression sexuelles sur deux enfants du couple Delay.
David Delplanque : condamné à six ans d’emprisonnement pour les viols de trois des enfants du couple Delay. Il est en outre condamné pour atteintes sexuelles et corruption de mineurs.
Aurélie Grenon : condamnée à quatre ans d’emprisonnement pour des viols et des agressions sexuelles sur les quatre garçons du couple Delay. Elle est en outre condamnée pour corruption de mineurs.
Franck Lavier : condamné à une peine de six ans d’emprisonnement pour un viol sur sa belle-fille et de quatre agressions sexuelles sur les enfants du couple Delay.
Sandrine Lavier : condamnée à trois ans de prison avec sursis pour corruption de mineurs à l’encontre de trois enfants.
Thierry Dausque : condamné à quatre ans d’emprisonnement dont un avec sursis pour des agressions sexuelles sur deux des quatre enfants du couple Delay et corruption de mineurs.
Daniel Legrand, fils : condamné à trois ans de prison dont un avec sursis pour des agressions sexuelles commises sur deux enfants du couple Delay.
Daniel Legrand, père : acquitté.
Odile : acquittée.
Roselyne Godard : acquittée.
Christian Godard : acquitté.
Karine Duchochoy : acquittée.
David Brunet : acquitté.
Pierre Martel : acquitté.
Quant à moi, la Cour a suivi les réquisitions de l’avocat général parlant de gestes inconvenants envers Sébastien. Dès lors, je suis condamné à dix-huit mois de prison avec sursis pour atteintes sexuelles sur mon fils.
Le verdict tombe et me laisse abattu, désappointé, anéanti.
*
Maître Delarue tente de me parler, mais je n’écoute plus, serrant fermement comme une bouée de sauvetage mes poisons dans ma main. J’entends l’abbé Dominique crier, mais moi je n’ai plus la force de me révolter et de hurler contre cette injustice flagrante. Silencieusement, je me lève de mon siège, ne regardant personne, et rejoins Dany qui m’attend en bas de l’escalier. Avançant comme un automate, j’entre dans un autre monde déconnecté de toute réalité. Devant les journalistes qui attendent, mon avocat s’enflamme : « Tous les innocents n’ont pas été innocentés ; nous attendions une décision franche et nous avons une décision en demi-teinte, et, à bien des égards, difficilement compréhensible ! »
La honte de cette condamnation raisonne dans ma tête : « Dix-huit mois de prison pour agressions sexuelles envers son fils. » Ça y est, je suis devenu pédophile, abuseur d’enfant. Mais ça, je ne le supporterai pas.
Chapitre 52
La balle dans le barillet
ou
Laver soi-même son honneur
Mutisme complet. Dans la voiture qui me ramène chez Dany, je ne dis rien. Sur place, je n’échange pas le moindre mot. Immédiatement je me mets au lit et sombre dans le plus doux des comas : celui du sommeil qui anéantit malgré les épreuves.
En pleine nuit, des palpitations me réveillent. En sueur, l’œil
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