Chronique de mon erreur judiciaire
décharge récupérés, ma femme et moi voyons déjà nos accompagnateurs confus, sur le point de s’excuser de nos malheurs.
Après deux heures de perquisition, ma femme et moi nous embrassons en nous disant solennellement « à bientôt ». Odile repart pour la maison d’arrêt de Valenciennes, tandis que je dois subir une nouvelle perquisition dans un autre appartement que nous avons à Hardelot. Laquelle n’apporte pas plus d’eau au moulin de l’accusation.
Le retour à Beauvais se fait dans les mêmes conditions qu’à l’aller et la vitesse excessive du véhicule de police me terrorise comme jamais.
Arrivé en prison, je brode de vagues explications pour détourner les soupçons de mes codétenus, expliquant être allé à Boulogne-sur-Mer pour une saugrenue histoire de convocation comme témoin assisté.
Je mange, joue aux cartes et me couche rapidement, espérant ménager quelques forces pour le lendemain. Une pensée me transporte déjà loin de cette cellule crasseuse, celle du traditionnel réveillon de Noël avec ma famille réunie.
Hélas, il n’y a pas que les enfants pour croire au père Noël !
Chapitre 11
Trébucher dans la course à l’espoir
ou
La litanie des mauvaises surprises
Jeudi 20 décembre 2001. À une poignée de jours des fêtes de Noël, je crois encore à un signe du destin. La confrontation, la nouvelle perquisition ne peuvent aller que dans mon sens. Néanmoins, si ma libération intervient bientôt, comme je l’espère, c’est sans doute qu’une justice divine existe pour pallier celle des hommes.
Des hommes qui, dans ma cellule, se font de plus en plus agressifs. Comme c’est mon tour de corvée poubelles, je m’exécute sans broncher avant de passer à la douche à l’instar des autres. Devinant la tension en train de monter dans la pièce au baromètre des grossièretés en hausse, je pressens qu’à la moindre occasion une bagarre risque d’éclater. Dès lors, jusqu’au soir, je me tiens sagement à l’écart de ces fauves et de leurs querelles, refusant de jouer aux cartes pour préférer rejoindre les miens par le songe et rêver à ma libération comme le plus beau des cadeaux.
*
Mais les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Après le chaud souffle le froid.
Le lendemain, un bricard vient me notifier que mon appel de mise en détention provisoire passera le 26 décembre. J’accuse le coup : mes espoirs de réveillon sont repoussés et laissent place à un projet de Nouvel An. Les mauvaises nouvelles s’amoncellent quand, peu après, on vient me chercher pour le parloir alors que j’écrivais à mes parents. Dans la salle, ce ne sont pas mes sœurs, c’est maître Bavière, président de la chambre départementale des huissiers de justice, que j’aperçois.
Après m’avoir expliqué qu’il s’est entendu avec elles pour venir à leur place, dans la mesure où je ne peux avoir qu’un parloir par jour, il en vient aux faits : la situation tendue de mon Étude. Avec beaucoup de franchise et de clairvoyance, il me fait comprendre qu’il convient de faire une croix sur cette dernière, parce que je ne pourrai la récupérer après ma libération et que ma réputation, tellement mise à mal, m’empêchera d’exercer mon métier avec sérénité. Dès lors, la seule perspective envisageable consiste à la vendre. Et encore, en espérant qu’une vente aboutisse.
En entendant ses propos, frappés au coin du bon sens certes mais tellement injustes pour un homme qui a consacré toute sa vie au travail et n’est en rien coupable de ce dont on l’accuse, je vacille. Hésitant entre pleurs et colère, je reste muet. Voyant que j’ai du mal à avaler ce qu’il avance, maître Bavière tente de me rassurer, m’explique qu’aucun client n’a quitté l’Étude, que beaucoup attendent même mon retour, tous refusant de croire à ma culpabilité. Mais que, néanmoins, le réalisme s’impose. Pour appuyer ses dires, et me montrer que l’Étude poursuit ses activités, il me présente la lettre que le clerc significateur remet à chaque notification d’acte ainsi que le courrier adressé à mes confrères de la région Nord-Pas-de-Calais. Des missives qui résument la situation avec honnêteté. Quand, de mon côté, j’explique à mon président de chambre les derniers actes de la procédure tournant tous en ma faveur, il m’assure de son soutien et de sa solidarité mais m’invite aussi à voir les choses en face.
Au fond
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