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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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Réparateur ? Je l’ignore.
    *
    J’ouvre péniblement un œil. Après cinq heures de sommeil, parti loin d’ici, c’est au son de la télévision que je me souviens de la situation : c’est Noël, je suis en prison, mais demain, j’obtiendrai ma libération.
    Je file à la douche, puis me rends à la messe où se retrouvent seulement trois détenus : Patrick, Jean-Marie et moi. Autour de nous s’affairent le chef de détention, une religieuse, quatre personnes formant une chorale, les trois aumôniers de la prison, le prêtre et même… l’évêque de Beauvais ! C’est la première fois que je rencontre un si haut personnage de l’Église et que j’appelle quelqu’un Monseigneur, mais le moment m’émeut. Bien que protestant je trouve la messe fort belle, touchante au point de verser des larmes. « Si seulement, me dis-je, ma femme et mes enfants pouvaient partager avec moi ce moment, nous qui avions l’habitude d’aller au temple de Boulogne-sur-Mer ! »
    En ce soir du 25 décembre je n’attends qu’une chose : le lendemain de ma libération. Je regarde distraitement le film du soir, songeant plutôt à la journée suivante, à ce que je vais faire quand je serai dehors, à qui va venir m’accueillir bras ouverts, à mes sœurs qui me conduiront jusqu’à la voiture où m’attendront Odile et mes parents. À la joie des retrouvailles, au bonheur de voir enfin les miens et à l’erreur judiciaire dont nous sommes victimes enfin reconnue.
    *
    Excité, prêt à en découdre et à renouer avec la vie, dès 5 heures du matin je n’en peux plus d’attendre. À 7 heures, un surveillant m’avertit que je serai extrait à 8 heures. Direction le greffe, où des gendarmes de Meru m’attendent, cette fois aimables. Je ne suis plus fouillé ni palpé, et si l’on me passe les menottes on me fait grâce de l’humiliante petite chaînette qui me relie à mon garde-chiourme. Quant au fourgon cellulaire des enfers, il est relégué aux oubliettes des infamies puisque je suis transporté en Renault Clio. Enfin, on m’accorde des égards. Le bout du tunnel n’est pas loin.
    Nous arrivons à la cour à 10 heures. Comme toutes les geôles sont occupées, on me permet de rester à côté des gendarmes et on m’autorise quelques cigarettes.
    Maître Delarue apparaît à 11 h 15, plus serein que jamais. Après tout, me rappelle-t-il, mes confrontations et celles d’Odile se sont bien déroulées, les perquisitions n’ont rien donné, et l’un des interpellés « s’est mis à table ». « Ça y est ! », me dis-je, le calvaire prend fin. Je me vois déjà libre, au creux de mon lit, dans les bras de ma femme, comblant mes enfants d’affection et embrassant mes parents et beaux-parents.
    Nous passons devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel à 12 h 30, séance qui débute par le rappel des faits, toujours aussi pénible et douloureux à entendre. Les enfants ont dû atrocement souffrir des tortures qui leur ont été infligées et la seule pensée qu’Odile et moi avons pu être soupçonnés d’être mêlés à ces abominations m’est insupportable. En entendant les actes d’accusation, j’ai honte pour l’humanité tout entière, mais aussi pour moi d’être associé à de telles turpitudes.
    Maître Delarue intervient ensuite pendant une bonne demi-heure, présentant une plaidoirie excellente et argumentée où il rappelle clairement l’absurdité de la situation, pourfend en détail le déroulement de l’information judiciaire, décortique les déclarations contradictoires de ceux qui nous dénoncent, critique l’incohérence des charges retenues contre moi alors même que plusieurs personnes mises gravement en cause dans le dossier n’ont pas été inquiétées. Et d’évoquer deux autres huissiers de justice, confrères de Boulogne-sur-Mer, un médecin de famille, un anesthésiste, une infirmière tout aussi « dénoncés » par les calomniateurs qui n’ont cependant pas été incarcérés. Pourquoi deux poids et deux mesures ? Il souligne ensuite que je justifie de sérieuses garanties de représentation, explique que je peux être hébergé chez mes parents ou dans le département de la Haute-Saône, chez mes neveux, et que je suis même dans la capacité de verser une caution. Un discours balancé, juste, frappé au coin du bon sens.
    Après l’avoir entendu, la cour déclare que l’arrêt me sera signifié dans l’après-midi. D’emblée

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