Chronique de mon erreur judiciaire
je retrouve le sourire, convaincu que ma libération n’est plus qu’une question d’heures. Du reste, la serviabilité de mes accompagnateurs me pousse dans ce sens. Après avoir quitté la cour d’appel de Douai vers 13 h 30, nous nous arrêtons en effet sur une aire d’autoroute pour nous restaurer. Et là j’ai le droit d’apprécier un café. Un vrai café ! Si j’avais su, dans mes vies antérieures à quel point c’est bon et important, un vrai café, je ne l’aurais pas avalé machinalement, comme n’importe quel breuvage.
Arrivé à la maison d’arrêt, je reste en cage une bonne demi-heure, avant d’être reconduit en cellule où s’enclenche un terrible décompte : celui qui va me conduire à l’air libre.
15 h 30, les heures passent mais aucune nouvelle ne me parvient. Mon cœur palpite, mon estomac se tord, je tourne comme un ours en cage. 18 h 30, toujours rien. Je n’ai pas mangé, suis incapable de lire ou de regarder la télévision. 23 heures, l’attente infernale se poursuit et je n’ai plus grand-chose à espérer pour la journée puisque les verrous de la porte ont été fermés. Néanmoins, la tête entre les mains, je refuse obstinément l’idée d’un nouveau rejet de ma demande de mise en liberté. Bercé par cet espoir, sans attendre du sommeil un quelconque réconfort, je crois qu’on peut venir me chercher à n’importe quel moment.
*
9 h 15, un surveillant ouvre enfin la porte. Un sourire gagne mes lèvres : j’en suis sûr, mon heure est arrivée, il vient me signifier l’arrêt rendu par la cour d’appel. Énième déception : il me propose en fait une douche. Au déjeuner, qui passe forcément mal puisque j’ai la gorge et l’estomac noués, toujours pas de nouvelles. Au milieu de l’après-midi, des codétenus vont à l’atelier tandis que Maurice et Atchoum restent avec moi, dans l’attente de nouvelles. Et puis, d’un coup, mon moral sombre : enfin je prends conscience que la décision peut être négative une fois de plus. Je décide alors de lancer un S.O.S. au surveillant, en disposant un drapeau sur la porte (4) , qui me promet de se renseigner. Un quart d’heure plus tard, j’apprends qu’aucun document n’est parvenu à la maison d’arrêt. Dès lors j’ai peur.
Le soir, je me fiche de savoir ce qui passe à la télévision.
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Après une nuit cauchemardesque, à 8 heures du matin je me prépare un café. Tandis que certains partent à l’atelier, j’ai tant besoin de parler, que je confie à Maurice, si ma libération n’arrive pas très vite, ma détermination à entamer une grève de la faim. Lui-même m’apprend qu’il en a entamé une par le passé mais que sa démarche n’avait servi à rien. Je n’entrevois dès lors plus qu’une solution : m’ouvrir les veines en cassant un carreau.
De retour de l’atelier en fin de matinée, les autres prisonniers parlent de leur travail, s’échangent des informations « techniques », mais je m’en moque. Ils évoquent leur vie, les programmes télé, mais je m’en fous. Ils pensent aux parloirs, mais cela m’indiffère. Mon beau-frère Bertrand a beau venir me rendre visite ce jour-là, je peux donner le change en tentant de rassurer les miens par des mensonges d’espoir – la confrontation avec les témoins et leurs contradictions m’ont semblé plaider à mon avantage et la perquisition à la maison n’a rien donné –, au fond de moi la flamme diminue. J’ai pris conscience que mon réveillon de la Saint-Sylvestre se déroulerait en détention alors que j’envisageais une remise en liberté. Certes, grâce à Bertrand, je peux apprendre que mes parents ont vu les enfants mercredi, mais cette consolation n’apaise pas la totalité de ma peine.
Au fil des heures, ma grogne contre mes accusateurs monte en moi. Je fulmine, rage, peste intérieurement contre ces personnes qui, par crédulité ou mensonges, me placent dans une telle situation. Je suis à cran, je prie pour essayer de trouver la force de leur pardonner… mais en vain.
*
Le couperet tombe : malgré la profusion d’éléments à décharge, l’absence de tout antécédent et de la moindre preuve contre moi, la brillante plaidoirie de mon avocat, la Cour a rejeté mon appel. Mes dernières illusions s’envolent. Je m’efforce de penser à la suite, mais, profondément meurtri, je suis écartelé entre de faux espoirs et ce verdict du désespoir.
La routine continue – douche,
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