Chronique de mon erreur judiciaire
réparer cela ?
Et maintenant, qui va organiser son enterrement ? Et aujourd’hui, qui est près de papa ? Et qui va le consoler ?
Dans la matinée, un surveillant m’apporte de nombreuses lettres et me fait signer deux documents : le premier stipule que ma famille peut récupérer mes clefs déposées au greffe, le second est l’accusé de réception d’une lettre recommandée m’informant que le dossier des enfants passera à la cour d’appel de Douai le 5 février 2002. Eh oui, les procédures administratives se poursuivent. Comme je veux qu’ils soient libérés et intègrent un cocon familial plutôt que de rester chez des inconnus, j’accepte qu’ils aillent chez mes beaux-parents même si je suis convaincu que ce n’est pas la meilleure solution. Pourquoi cette réticence ? Parce que je sais qu’ils n’ont pas toujours vu d’un bon œil mon union avec leur fille, considérant que je ne lui apportais pas toute l’attention et le confort qu’elle méritait ; qu’ils auraient préféré un gendre plus présent et installé ; et surtout parce que nous ne parvenions pas à communiquer ensemble, surtout depuis 1998 où, ayant emmené nos enfants en vacances, ils les avaient laissés sur le bas-côté de la route en nous demandant d’aller les chercher parce qu’ils leur paraissaient trop chahuteurs. Néanmoins, mieux valait encore à mes yeux pour accueillir mes enfants un foyer de personnes connues que des gens sans lien avec moi.
Peu après, on m’avertit que j’ai parloir à 14 heures. La déception se lit sur mon visage : mon avocat ne m’avait-il pas promis de faire l’impossible pour que j’aille embrasser maman avant sa mise en bière ? À 13 h 45, comme personne ne se manifeste, je mets un drapeau ; un surveillant survient mais m’explique que mon nom ne figure pas sur la liste. Que se passe-t-il ? Il revient vingt minutes plus tard pour m’annoncer que ma famille avait téléphoné afin d’annuler le parloir. Quel est cet imbroglio ? Je ne sais que penser. Nouveau rebondissement dix minutes après ma convocation : le même me prévient que le médecin m’attend.
La consultation ne se déroule pas bien et le ton monte. Ma tension est à 12/7, j’ai perdu environ vingt kilos (5) et je n’en peux plus de vivre. Lui, une seule chose le préoccupe : que je mange à nouveau. Revenu en cellule, je m’étends sur mon lit, la tête cachée dans un oreiller. Et fonds en larmes. À 15 h 15, sans savoir pourquoi, je suis extrait. Et ce n’est qu’au greffe, après la fouille habituelle, qu’on m’apprend que j’ai le droit de rendre visite à la dépouille de ma mère.
Je pars sur-le-champ en Clio avec des gendarmes compréhensifs. Lorsque nous arrivons devant la maison de mes parents, à 18 heures, mon beau-frère Dominique m’attend sur le pas de la porte. Je l’embrasse, nous pleurons tous les deux, puis il convainc mes gardiens de me retirer les menottes. Ma sœur Thérèse et ma filleule Valérie m’attendent dans le couloir, prêtes à m’étreindre. En pénétrant dans le salon, j’aperçois papa qui pleure. À ma vue, ses larmes redoublent et il m’étreint. Je l’embrasse tant que je peux et nous restons là, à nous réconforter en silence, durant cinq belles et rares minutes, sachant pertinemment qu’il me faut goûter ces instants malgré leur dureté parce que mon passage en ces lieux chargés de souvenirs n’est qu’éphémère, qu’ensuite je devrai regagner la prison et laisser mon père seul avec son chagrin.
Je suis papa dans le bureau où se trouve ma défunte mère. Elle est là, reposée, jolie. Je m’effondre. N’ayant jamais été aussi malheureux, je reste un long moment à côté d’elle, à la regarder, à penser au passé, à caresser ses mains froides. Thérèse me soutient, tente de m’apaiser en soulignant qu’elle n’a pas souffert, que la veille elle avait vu ses enfants et petits-enfants mais, en mon for intérieur, je ne peux m’empêcher de penser à sa peine en songeant qu’Odile et moi étions les seuls absents. Et, devant sa dépouille, je prie le seigneur de l’accueillir dignement près de lui et de pardonner ma soif de vengeance.
*
Autour d’une tasse de café, toute la famille convient de l’ignominie de l’affaire à laquelle je suis malgré moi mêlé. Tous sont écœurés, scandalisés et convaincus que les responsables devront rendre des comptes. Et moi, homme de loi et de droit, j’ai
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