Chronique de mon erreur judiciaire
des difficultés à croire encore en la justice.
Les minutes s’égrènent. Et vient le temps de partir. Je retourne voir maman, l’embrasse plusieurs fois et lui caresse les cheveux. Une nouvelle crise de larmes m’assaille. Je quitte la maison, accompagné par tous à la voiture, et les embrasse une dernière fois. Car je pense que ce sera ma dernière visite, si le sens unilatéral de cette enquête ne me rend pas justice.
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Les gendarmes qui m’encadrent ont fait preuve en ces circonstances douloureuses d’une extrême courtoisie. Ils ont respecté le deuil d’une maison meurtrie, fait montre de bienveillance et de politesse, autant chez papa que dans le véhicule qui me reconduit. Partageant ma douleur, ils ont compris à qui ils avaient affaire. Quand nous discutons ensemble de la terrible histoire qui a jeté ma famille dans le désarroi, ils s’avèrent étonnés, saisissant mal qu’avec si peu d’éléments on puisse enfermer des êtres humains. Une conversation qui me rassérène, comme le fait d’être sans menottes dans leur voiture, attention qui me fait recouvrer un peu de dignité. J’ai enfin l’impression d’être autre chose qu’un animal.
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Nouvelle nuit terrible, je suis réveillé depuis quatre heures. Aujourd’hui, maman sera enterrée.
À 7 heures, le surveillant m’informe que je serai extrait dans un quart d’heure.
À 7 h 20, je passe en cage. À 8 h 30, les gendarmes viennent me chercher et j’embarque dans la Clio, menottes aux poignets. Sur le perron de l’église m’attend mon beau-frère Bertrand qui négocie aussitôt, fort de son grade de commandant de police, le retrait des humiliants bracelets. Une fois libéré, je vais m’asseoir sur le banc réservé à la famille, à côté de mon père. Recueilli, éperdu, brisé, je suis l’office, écoutant mes nièces Sandrine, Stéphanie et Valérie faire une lecture à mourir de tristesse. Odile est absente, parce qu’elle ne voulait pas apparaître en public avec des menottes, et n’a pas souhaité que les enfants puissent assister aux obsèques de leur mamy. Un premier signe de rupture avec le passé parce que le présent devient trop pénible ? Je m’interroge.
Beaucoup d’amis sont venus rendre un dernier hommage à ma mère, ainsi que sa famille de Jeumont. Le catafalque est couvert de fleurs, comme elle le souhaitait. Il n’y a pas d’eucharistie, simplement une offrande. La fin de la messe est éprouvante, tout le monde venant me saluer, me renouveler son amitié et me soutenir. Je ne cesse de pleurer en entendant toutes ces paroles de bonté, ces mots qui m’exhortent à tenir bon, soutiennent que le cauchemar est bientôt terminé et la délivrance proche. Des mots qui me vont droit au cœur, me bouleversent et me font regretter qu’Odile ne soit pas là pour les apprécier.
Nous allons ensuite au cimetière de Bousbecque où sont inhumés mes grands-parents paternels. Ma sœur Dany, autorisée à monter avec moi dans la voiture des gendarmes, me donne l’alliance de maman que je vais conserver comme un talisman. La mise en terre est un moment difficile entre tous pour moi, ému devant ce cercueil déposé au son d’une prière. Mon père, au bord de la syncope, préfère se retirer et s’asseoir dans la voiture garée à proximité. Mes sœurs m’accompagnent ensuite jusqu’à la Clio des gendarmes qui m’attendent avec beaucoup d’égards.
Engoncé dans leur voiture, je vois la famille et les amis me regarder partir en me faisant quelques signes d’amitié. En chemin, les gendarmes, qui ont faim, s’arrêtent à une « baraque à frites » et proposent de me payer mon repas. En les remerciant, je leur explique que j’ai entamé une grève de la faim afin de clamer mon innocence et ne peux m’octroyer ce plaisir. Sur l’autoroute, un peu plus tard, ils s’arrêtent à nouveau, cette fois sur une aire de repos, et m’invitent à les accompagner jusqu’au bar pour un café. Cette fois je les suis, sortant de la Renault sans menottes, une marque de confiance de leur part digne de leur uniforme comme de leur fonction.
Rentré en cellule à 16 heures, sans perdre une minute, je me précipite sur du papier à lettres pour écrire à Odile mon envie de mettre fin à ce mauvais film. En des mots brefs et touchants, je lui explique mon choix et mes regrets de ne pouvoir être avec elle. Je me couche tôt, les yeux dans le vide, prends mes médicaments vers 23 heures et
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