Chronique de mon erreur judiciaire
m’endors rapidement pour me réveiller tout aussi rapidement, incapable de faire autre chose que de penser à ma mère. Incapable de penser à autre chose, désormais, qu’à ma mort.
Chapitre 14
Routine, déprime, pression et dépression
ou
La descente vers l’abîme
Encore un jour. Puis un autre. Et encore d’autres, identiques, semblables, déprimants, sans espoirs, avec ma santé qui s’amenuise parce que ma grève de la faim s’éternise. De la déprime à la routine, de la dépression aux pressions pour me faire revenir en arrière, j’avance pas à pas vers l’abîme. Et dans mon univers s’enchaînent les consultations. Le même jour que celui où notre codétenu Maurice est transféré vers une destination inconnue de nous, on multiplie pour moi les rendez-vous forcés. Après le médecin psychiatre qui, observant l’aggravation de mon état dépressif, me propose un séjour en service de psychiatrie si je ne veux pas être transféré à Fresnes – au point où j’en suis je m’en moque –, c’est au médecin de me tancer vertement, comme à l’accoutumée. Comme j’ai perdu un nouveau kilo, il menace une nouvelle fois de m’hospitaliser si je poursuis ma grève, intimidation qui m’indiffère même si son attitude belliqueuse me choque. Mais il peut disposer de moi comme il l’entend, c’est à mes yeux sans importance. Puis c’est au tour du psychologue de monter à l’assaut de ma détermination, avec plus de finesse heureusement ; il essaie aussi de me convaincre de ne pas culpabiliser du décès de ma mère. Peine perdue en fait et l’envie de mourir me hante plus que jamais tout en souhaitant, avant de quitter ce monde, savoir mes enfants heureux. Quant au reste, je sais qu’Odile s’en sortira et vengera notre honneur bafoué.
*
Jeudi 17 janvier 2002 : nouvelle convocation chez la médecin psychiatre. Je maintiens ma grève de la faim avec détermination et ressens le besoin de lui confier la relation privilégiée que j’entretenais avec ma mère. Au passage, je suggère une modification de mes doses de somnifère, malgré mon jeûne. Ce qu’elle consent en augmentant celle de Lexomil®.
Maître Delarue vient me visiter et m’apporte, ce sont ses mots, des « nouvelles fraîches du dossier plutôt positives pour Odile et moi ». Irascible, las des espoirs sans suite ni concrétisations, je rétorque : « Ah oui, alors pourquoi demeurons-nous enfermés ? » Il en reste muet.
De retour du parloir, je réintègre la cellule, où il fait un froid de canard. L’hiver est rude. Autant que le destin. Je ferme les bouches d’air et me colle au radiateur, le regard dans le vide. Certains codétenus me crient dessus parce que j’ai tout fermé mais, en ayant assez de me laisser faire, je réplique et pressens même que nous allons en arriver aux mains. Au dernier moment, je me ravise : après tout, pourquoi me battre ? Comme ils me provoquent en rouvrant les fenêtres, je regagne mon lit sans relever leur geste. À mes cachets habituels, j’ajoute ceux de « papy », qui préfère arrêter les drogues médicamenteuses, mélange épatant qui me fait ronfler en un rien de temps.
Le lendemain, à 9 heures, visite à l’infirmerie. Au programme cette fois, une prise de sang, de tension (11/7) et un pesage qui affiche une nouvelle perte de poids. J’en suis à soixante-quatorze kilos. Le généraliste persiste à vouloir que je cesse ma grève de la faim et me menace à nouveau d’un transfert à Fresnes si les résultats de la prise de sang sont mauvais. Qu’importe, désormais je connais sa ritournelle. Et face à mon entêtement, il va lui falloir me harceler longtemps.
Ensuite, au parloir, j’ai la surprise de retrouver mes deux sœurs et mon beau-frère Dominique, qui m’expliquent que papa se remet très doucement du décès de maman. À les en croire aussi, mon dossier avance, tandis que Thomas, mon fils, commencerait à « péter les plombs », à se rebeller et n’en faire qu’à sa tête. Décidément, avec cette affaire, tout part en morceaux et va à vau-l’eau. Quel chaos créé pour des mensonges proférés !
*
Voilà désormais plus de deux mois que je suis incarcéré sans raison, que ma femme Odile se trouve sous les verrous pour les mêmes fausses accusations, plus de deux mois que nos enfants sont privés de leurs parents et placés chez des étrangers, plus de deux mois que nous subissons une détention abusive, contraire
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