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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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aux vertus de la présomption d’innocence. Plus de deux mois que notre passé a été mis en miettes, notre honneur jeté en pâture, notre réputation souillée à cause des logorrhées aberrantes et saugrenues de détraqués recueillis par un jeune juge dénué d’« expérience ». À cause d’une enquête à sens unique, mal ficelée, j’ai dû vendre mon Étude en catastrophe, accepter de me retirer de la vie judiciaire malgré moi, perdu ma place de chargé de cours à la faculté de droit de Boulogne-sur-Mer. À cause de l’opprobre jeté sur mon nom, ma mère est morte et j’en fais autant.
    *
    En ce samedi 19 janvier, la disparition de maman m’obsède dangereusement. Désormais, des visions s’ajoutent à ma mélancolie. Les médicaments en nombre me transportent dans un état second où mes pensées se bousculent, semant la confusion. Désemparé, je ne sais plus faire face, je suis perdu, je cherche quelqu’un pour me soutenir mais je reste seul. La solitude étant source de multiples divagations, j’attribue bientôt à ma mère des pouvoirs surnaturels, ayant l’impression qu’elle m’attend quelque part, moi, ainsi que mon père.
    Pour me changer les idées, je relis mes lettres, regarde mes photos. Heureux dérivatif, je vais à la réunion d’aumônerie. Où je rencontre quatre détenus venant de prisons différentes qui racontent chacun leur petite histoire. Je savais déjà que différentes drogues arrivaient dans l’établissement, mais j’ignorais jusqu’alors les méthodes pour les faire circuler. Je l’apprends. Comme la présence des téléphones portables qui pullulent.
    Au fil des heures, mon état de faiblesse s’accentue. Je me recroqueville peu à peu, grelottant sous un froid intense, n’osant même plus dire un mot de peur de me faire tabasser par un codétenu. L’un d’entre eux, en particulier, s’est transformé en dominant, petit chef que personne n’ose contredire. Pour éviter ses remontrances et sévices, pour oublier ce quotidien sordide, pour tenir mon engagement de non-alimentation, je me niche dans mon lit et attends minuit pour ingurgiter mes médicaments et ceux de « papy ». De plus en plus zombi, de plus en plus muré dans mes pensées, je sombre.
    La nuit s’avance sans que je la voie. Le jour arrive sans que je l’aime. Quand je me lève, je traîne. Et à l’heure de la sieste, je me couche. Je suis vraiment à bout.
    La tension dans la cellule est d’ailleurs palpable. Comme dans le reste de la prison d’ailleurs. Ainsi, dans l’après-midi, une bagarre a éclaté au premier étage. Tandis que nous entendions la victime frapper sur la porte pour appeler au secours, le surveillant, lui, à proximité dans le couloir, préféra renoncer à entrer seul dans la cage aux fauves, se contentant de menaces contre le frappeur. Attendant des renforts, il laissa la brute achever son tabassage sous les supplications de la victime.
    *
    Au gré des heures, mon accablement s’accroît et mon irascibilité l’imite. La fouille de la cellule par les gardiens cherchant, sans succès, de la drogue dissimulée dans les barres de lit, m’agace autant qu’elle m’indiffère. Le prêtre qui nous rend visite et entend ma difficulté à faire le deuil de ma mère m’apaise mais c’est fugitif. Mon sommeil est chimiquement déclenché mais mon organisme s’y habitue. Quant à la faim, elle ne me gêne plus, transformée en dégâts collatéraux qui occupent quelques instants mon attention. Des migraines m’assaillent ainsi que des impressions bizarres, sortes de papillons noirs en train de voler autour de moi. Des étourdissements qui s’amplifient à mesure que mes codétenus me pèsent sur les nerfs. Je suis tellement à cran que je manque encore, un après-midi, de me battre, à cause d’une fenêtre que j’ai refermée. La querelle est tellement vive et houleuse que j’ai appelé le surveillant pour être mis au mitard. Hélas pour moi, vu mon « statut » et ma grève de la faim, je ne peux changer de cellule, devant donc rester en compagnie de criminels et de violeurs.
    En somme, j’en arrive au point de non-retour. Je ne tolère plus rien ni personne. Ni les émissions débilitantes du Dieu-télé ni mes codétenus. Je suis malade, hanté par le décès de ma mère que je veux rejoindre et je ne supporte plus les autres, sachant pertinemment que je vais devoir me battre si je ne veux pas devenir leur souffre-douleur, alors que je

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