Chronique de mon erreur judiciaire
n’en ai ni le goût ni la force. En outre, je fais un rejet de l’odeur nauséabonde de la gamelle, du bruit de la clef dans la serrure, du son des verrous qui résonnent comme autant de condamnations à la honte et à l’oubli.
Chapitre 15
La folie au bout de la faim ?
Ou
L ’ internement en hôpital psychiatrique
La dérive se poursuit. Et ma descente aux enfers aussi. Un matin, je suis réveillé tôt pour être conduit à l’infirmerie où je fais une prise de sang, un contrôle de la tension (11) et du poids (soixante et onze kilos). Parce que ma tête tourne, je ne tiens pas debout devant l’infirmière et dois me tenir aux murs pour marcher. Mon cas s’aggrave.
Averti vers 10 heures, et après avoir constaté mon état avancé de faiblesse, le médecin psychiatre décide de me faire hospitaliser. Mais où ? Doit-il m’envoyer à l’hôpital psychiatrique pour ma dépression ou à l’hôpital général puisque j’ai un urgent besoin d’une perfusion ? La question agite l’administration. Pour l’heure, on ne me dit rien sur ce point, mais on m’intime d’avaler un verre de lait concentré accompagné d’un café. J’y consens. On me prévient en outre que, compte tenu de mon état, je n’ai pas intérêt à trop manger d’un coup, mon estomac s’étant « resserré ». Finalement, je vois le généraliste qui choisit la première option et signe mon avis d’internement en psychiatrie. Des termes très difficiles à entendre pour moi : me voilà désormais officiellement fou. Je pleure et j’ai peur.
Dans les minutes qui suivent, j’ai parloir avec Dany, laquelle me donne des informations excellentes sur l’avancée du dossier. Selon elle, les accusations s’écroulent comme un château de cartes. Je m’en réjouis mais puis-je encore y croire ? De mon côté, je l’avertis que je vais être interné. Peu après, mon avocat me confirme à son tour les bonnes nouvelles mais, voyant mon état dépressif et physique, il me conseille néanmoins vivement d’accepter le transfert en hôpital psychiatrique.
*
17 h 30. L’instant du départ pour Clermont-sur-l’Oise a sonné. Je passe à la fouille puis me rends au greffe où trois hommes en blanc m’attendent, se présentent et m’expliquent ce qui va advenir. Hagard, je ne comprends pas vraiment ce qu’ils disent. Je tends les bras pour recevoir les menottes, mais rien ne se passe. On m’en épargne le supplice. Dans la cour, j’aperçois une ambulance. Ils veulent m’allonger parce que ma tension est tombée à 10, mais je préfère la position assise. Dehors il pleut, il fait noir, et moi je pleure durant tout le trajet.
Aux urgences psychiatriques, un infirmier plutôt sympathique m’offre une cigarette et attend avec moi un moment. Mes larmes se sont taries. Je suis assis dans une salle d’attente « normale », sans grilles ni barreaux aux fenêtres, simplement décorées de rideaux, et en plus je n’ai pas de menottes. Quelque chose change. Je constate la présence rassurante d’une machine à café. Un petit déclic résonne en outre dans ma tête. En découvrant cet environnement clément, normal, un petit souffle s’élève en moi. J’ai l’impression de revivre, de respirer même.
Alors que mon ange gardien m’explique le fonctionnement de l’unité psychiatrique, je lui raconte mon expérience de l’enfer carcéral, les humiliations de ma famille, le drame de ma femme, elle aussi en prison, l’éloignement de mes trois adorables enfants. Interrogé ensuite au service psychiatrique des urgences, je réitère mon récit, détaillant les méandres de l’erreur judiciaire dont je suis victime ainsi que le décès de ma mère, entrevue ponctuée par une copieuse crise de larmes. Le médecin me confirme alors la décision d’internement, en hospitalisation d’office pour reprendre le jargon officiel, c’est-à-dire sur ordre du préfet.
*
Dans l’hôpital, un vieux bâtiment, une chambre à deux lits m’attend, mais je vais être seul durant au moins une semaine, l’autre pensionnaire se trouvant en vacances aux sports d’hiver avec ses parents. D’un coup, je me sens mieux. Relaxé, tranquille, enfin au calme, j’ai l’impression qu’une énergie nouvelle gagne mes veines. Comme en plus en ces lieux il fait chaud, en mon for intérieur je me dis que je vais peut-être enfin pouvoir entamer le deuil de maman.
Pourtant, une sensation déstabilisante me gagne aussi : suis-je
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