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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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réellement devenu fou ? Et auquel cas, suis-je vraiment différent des autres aliénés et débiles mentaux qui m’entourent ? Comment même en avoir le cœur net alors que les quelques personnes que j’ai croisées dans les couloirs arborent une drôle de tête ?
    Perdu dans ces interrogations, je reste assis sur mon lit, un vrai lit confortable et accueillant. Et quand on me sert un repas, ayant conscience d’être considéré ici comme un homme et non un animal, je ne résiste pas à la tentation. Lentement, je bois ma soupe, prends mon yoghourt et avale un lait concentré Nutrigil qui me fait un peu mal au ventre, mais du bien au moral. Enfin, dans ce havre de paix, je peux essayer, aussi paradoxal que cela puisse paraître, de me ressourcer. Physiquement et spirituellement. Ainsi, je garde un moment la lumière allumée pour prier, réciter le Notre Père et chanter à voix basse des cantiques. Et enfin je m’endors, en proie à un commencement d’apaisement que je n’aurais pas cru possible quelques heures auparavant.
    *
    Au petit matin, c’est un regard compatissant qui vient me réveiller : celui d’une infirmière attentive et précautionneuse. Machinalement, je cherche ma montre mais, à ma grande stupéfaction, elle a disparu. Pas de doute, durant mon sommeil gorgé de médicaments, un patient m’a détroussé. Ce nouveau coup du sort m’ébranle. Je tenais en effet beaucoup à cet objet, présent d’Odile, et me sens coupable d’avoir omis de le mettre dans l’armoire fermant à clef. Hésitant, je me lève et fais quelques pas. Puis je me dirige cahin-caha, hors de la pièce.
    Dans le couloir, je rencontre d’autres pensionnaires qui convergent vers les escaliers. Tous sont cordiaux. Certains me serrent la main, d’autres me dévisagent. Et moi, je commence à ressentir de la peur. Peuvent-ils à tout moment être atteints de crises de démence, comme je le crains ?
    Une infirmière me conduit à la pharmacie où j’ai trois médicaments à prendre. Des pilules disposées à l’endroit même où mon nom est inscrit sur le tableau des constantes, celui qui notera ma tension, ma température et mon pouls. En déambulant, je contemple, perplexe, les malades qui me croisent : certains me paraissent « normaux », d’autres totalement « à la masse » car errant sans but. Quand j’en remarque deux allongés à même le sol, je me remets au lit et suis atteint d’une poussée de sanglots. Et moi, dans quelle catégorie faut-il me ranger ? Vers 11 heures, consciente de ma fragilité, une psychiatre m’avertit qu’elle adressera en préfecture un prolongement d’urgence d’hospitalisation et veut modifier mon traitement. J’accepte.
    *
    Au fil des heures, à l’hôpital comme avant à la prison, une routine se met en place. La prise de médicaments, une réalimentation progressive, des nuits assommées de substances chimiques mais au moins durables, des rencontres avec des patients aux pathologies variées.
    Quant aux lieux, j’apprends peu à peu à les connaître. Et à en constater la vétusté. L’état de délabrement du bâtiment est en effet inouï : les murs défoncés, le placo apparent et la robinetterie rouillée qui fuit attestent du manque de budget récurrent de l’établissement. Entre mes pérégrinations, je rédige des courriers pour Odile, me prends à devenir zen, à avoir même l’impression de planer – merci les médocs ! –, à voir qui sont ceux qui m’entourent. Sans trop parler aux autres cependant !
    Un soir, vers 20 heures, quand dans la salle télé un groupe m’invite à regarder un film au magnétoscope, je n’en crois pas mes oreilles. J’en souris de bonheur. Ce simple sentiment d’être accepté par les autres me fait un bien fou. Suis-je sur la voie du sursaut pour accepter ainsi la télé alors que j’en avais une overdose en prison ? En fait je comprends, le lendemain après-midi, étant reçu par le médecin chef du service, le psychologue, le psychiatre, le cadre du service et une infirmière, que mon traitement modifie trop mon comportement. À tel point m’expliquent-ils que j’aurai un cachet en moins, la posologie présente me faisant trop « planer ». Va-t-on me faire atterrir de force ?
    En tout cas, quand, vers 18 heures, je parle au téléphone avec ma sœur Thérèse, ce qu’elle m’annonce me fait redescendre sur terre : non seulement mes enfants ont passé Noël et la nouvelle année chez des

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