Chronique de mon erreur judiciaire
que tout va s’arranger.
Vers 16 heures, je descends dans la salle à manger avec un bourdon monstre chevillé à l’âme. Là, je me fais draguer par une fille très laide et à moitié folle, dont je comprends un mot sur deux, qui me dit qu’elle me trouve beau, que j’ai de beaux yeux, qu’elle est vierge et voudrait faire l’amour avec moi ! Calmement, sans la vexer, je la remets à sa place quand, soudain, je réalise que j’ai perdu l’alliance de maman. Paniqué, je remonte dans ma chambre en catastrophe mais la retrouve sous mon lit… ouf ! Ce nouveau stress me brise : je fonds en larmes. Calmé, à 18 h 15, je descends dans la bibliothèque équipée d’un « point phone ». Une patiente est en train d’essayer de contacter son fils mais sans y parvenir. Je saute sur cette chance qui s’offre à moi. Je lui propose mon aide puis ose lui demander de me prêter sa carte. Mon cœur bat la chamade, elle accepte. J’appelle ma sœur Thérèse. Hélas, je tombe sur le répondeur. Je tente un appel chez papa. On décroche. C’est lui. Lorsque j’entends le son de sa voix, tout se brouille soudain et je ne parviens pas à prononcer un mot, mes paroles se noyant dans un flot de sanglots. Mon état ne s’améliore pas.
*
Conserver mon calme relève désormais de l’épreuve. Mes nerfs sont tellement à vif que j’arrive seulement à m’énerver et à pleurer. Comment vais-je m’en sortir ? Vais-je refaire un jour surface et reconstruire ma vie ? Ces angoisses me nouent l’estomac.
J’en suis là de mes peurs quand, sur un programme télé abandonné sur une table, je découvre par hasard la diffusion d’une émission sur l’affaire d’Outreau. Je l’attends avec autant d’impatience que d’appréhension, espérant seulement que les journalistes se montreront au moins objectifs.
Échoué dans la salle télé, déprimé, je suis assis à côté d’une fille se prénommant Nathalie qui me prend pour le père Noël et veut savoir si elle est toujours la plus belle. Son délire ne me concerne pas. Moi, je suis là pour regarder ce qu’on va raconter de nouveau sur « nous ». Et je ne vais pas être déçu ! En fait si, évidemment. Après avoir vu ce « 7 à 8 » sur TF1, je me remets à pleurer. Rien de neuf à l’horizon. Pire, le reportage m’a paru bien partial. Bon sang, quelqu’un ouvrira-t-il un jour les yeux ? Quelqu’un aura-t-il l’audace et l’intelligence de scruter au-delà des discours officiels à sens unique ?
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Lendemain, fin d’après-midi. Damien et Laurianne arrivent mais je n’ai le droit ni de leur parler ni de les embrasser. Je monte le linge propre qu’ils m’ont apporté et descends mes effets sales, puis j’observe mes neveux à travers la porte vitrée et leur fait un signe discret de la main. J’arrive à obtenir de leurs nouvelles par l’entrebâillement d’une fenêtre, mais cette situation m’insupporte. Je suis un humain innocent traité comme un animal sauvage en cage : une torture morale horrible.
Vers 20 heures, les yeux rougis et la gorge serrée, je rencontre Yoann, nouveau venu dans ma chambre. Notre premier contact semble positif. Il m’offre un chocolat et je lui rends la politesse en préparant un café avec l’eau chaude du robinet. Nous parlons un peu et je découvre qu’il est simple d’esprit, ce qui me désole un peu pour les conversations que j’espérais entretenir avec lui. Seul, je suis désespérément seul avec moi-même.
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Lundi : la journée s’annonce monotone. Depuis deux jours, j’ai continuellement la tête qui tourne, des trous noirs et la mémoire qui me joue des tours. À 10 heures, alors que le coiffeur s’occupe de moi, un cadre vient m’informer que je dois préparer mes affaires. La gendarmerie sera sur place d’ici une demi-heure pour m’emmener.
Je fais mes cartons la peur au ventre. Ce qui va vite puisque je ne suis pas venu avec grand-chose. Où vais-je ? Que va-t-il advenir de moi ? Ma santé s’améliore-t-elle ? Je me précipite alors chez le médecin psychiatre, lui explique que ça ne va pas, que j’appréhende la journée du lendemain. Il me comprend mais ne peut rien. Aussi, quand la gendarmerie arrive, c’est pour cueillir un homme au moral atteint. Dont les larmes viennent sans prévenir. Dont la gorge est plus serrée qu’un nœud de corde. Dont le fil le retenant à la vie s’effiloche chaque seconde un peu plus. Heureusement, les gendarmes se
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