Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
Vom Netzwerk:
du moins je le pense alors – une délivrance, convaincu de ne pas être le mari qui lui faut, étant plus papa qu’amant, et plus drogué par le travail que par l’affection. Odile, jeune et jolie, pourra trouver quelqu’un d’autre et améliorer ses rapports avec ses parents, plutôt froids depuis que je suis entré dans sa vie. Je rédige donc une lettre d’adieu, et deux courriers à remettre à mon épouse et à mes bambins. Rien ni personne ne pourra désormais me convaincre ou contraindre à faire machine arrière.
    Pas plus le prêtre qui vient nous visiter et auquel je confesse – un comble pour un protestant – ma résolution, que Dany, venue me relater en détail la conférence de presse tenue avec les avocats et notre comité de soutien, m’expliquer que Cécile et Sébastien vont bien alors que Thomas semble traumatisé par ce qu’il a vécu. Elle a beau comprendre mais ne pas m’approuver, fondre en larmes et tenter de me dissuader, rien ne m’arrêtera.
    À peine allongé sur mon lit en cellule, me voilà convoqué par le médecin généraliste. Dany l’a-t-elle prévenu ? En tout cas, il me sonde sur mes intentions et je lui mens. Comme j’éclate en sanglots, il me place d’office en hospitalisation. Incapable de me calmer, je refuse de réintégrer ma cellule et suis mis en cage. Dès lors, mon transfert à Clermont est immédiatement programmé.
    *
    Trois infirmiers, une ambulance, je suis conduit aux urgences. Devant un énième psychiatre, je dois à nouveau expliquer ma situation et mentir sur mes intentions par crainte de la chambre d’isolement. Le médecin m’ausculte et confirme l’hospitalisation d’office. À nouveau, je vais aller à l’hôpital psychiatrique. Où on me reconnaît. Où on confisque tous mes médicaments. Me voilà revenu chez les fous ! mais je ne resterai pas longtemps.
    Nécessité oblige, je vais m’insérer dans le moule de la routine pour arriver à mes fins sans qu’ils le pressentent. Mon échéance est toujours la même, aussi je m’adapte. Comme tous les autres pensionnaires. On se lève, on se lave, on prend ses médicaments, on se soumet aux constantes, on déjeune, on regagne sa chambre, on flâne et on attend… quoi ? Le déjeuner, puis les médicaments, et la sieste, et que vienne le soir avec la sempiternelle télévision ! Et le lendemain, puis le jour d’après, la roue reprend les mêmes tours.
    Cette vie linéaire, en vase clos, de hamster dans sa cage, est ponctuée de ruptures adaptées aux cas individuels. Ainsi, le docteur Molto, quand il me reçoit, ne comprend pas pourquoi je suis là. Passablement irrité, il détaille la défaillance du service médico-psychologique d’Amiens qui aurait dû m’accueillir. Des querelles administratives qui me désarçonnent et renforcent mon désarroi. Il me restera à renouveler mon stock de médicaments, opération complexe sans argent, mais j’y arriverai. Tout vient à point à qui sait attendre.
    *
    Attendre, voilà mon lot. Attendre les visites : dimanche, celle de Thérèse et de ma filleule Valérie, qui m’apportent des vêtements propres et un courrier signifiant une fois encore le rejet de ma demande de libération sous contrôle judiciaire.
    Attendre des décisions de justice répétitives : pourquoi s’acharner ainsi, suis-je une menace pour l’ordre public alors qu’au même moment un certain Michel Fourniret et sa femme évoluent librement ?
    Attendre les rencontres avec certains médecins qui jouent avec mon dossier comme au Jokari, se renvoyant la balle à coups de lenteurs et de revirements administratifs quasi-ubuesques. Ainsi, un jour, le docteur Molto, tout en m’expliquant mon nouveau traitement, évoquera les blocages de mon transfert entre Amiens et Beauvais, dont les services respectifs se rejettent la responsabilité du transport, avec des accents d’agacement sincères dans la voix.
    Attendre aussi certains petits plaisirs transformés en grands moments de bonheur parce qu’ils me font croire que je peux vivre comme les autres, ceux de l’extérieur, avant de faire le grand saut. Ainsi ce jour où je vais dépenser mes premiers euros à la cafétéria et où je peux commander une quantité énorme de friandises et de barres chocolatées et me prouver ainsi qu’il est possible de manger autant de sucre en une seule fois.
    Attendre, enfin, dans les pièces réservées à cet effet, les consultations avec les spécialistes ; Jean Benoît,

Weitere Kostenlose Bücher