Chronique de mon erreur judiciaire
Claude, Martin, autant de patients qui passent et correspondent à différents types d’hospitalisation.
Il y a en effet les HL, quand le patient convient de lui-même qu’il lui faut se faire hospitaliser. Mais aussi les HDT, hospitalisations demandées par un tiers – un médecin et un membre de la famille réclament l’internement, qui doit être confirmé par un second médecin. Dans les deux cas, les personnes bénéficient globalement des mêmes conditions de vie ainsi que des mêmes droits au sein de l’établissement. Enfin, il y a les hospitalisations d’office, dites HO, décidées par le préfet sur avis médical, et signifiées par un arrêté obligeant la personne à se soumettre à des soins.
Voilà pour la loi. Mais dans la pratique, à Clermont-sur-l’Oise, certains cas laissaient perplexe. Michel, par exemple, nul ne savait pourquoi il était là tant il paraissait « normal », hormis peut-être le fait qu’il ingurgitait une dizaine de médicaments à chaque repas. En outre, il avait le droit de sortir du bâtiment, de faire ses courses et de poster du courrier. D’autres affichaient des pathologies plus voyantes. Cédric, un jeune homme de vingt et un ans interné depuis l’âge de dix-sept ans, aîné d’une famille de quatre, drogué par les médicaments, savait se montrer aussi gentil que méchant, obsédé qu’amorphe. Un peu plus vieux, Yvan me faisait penser à Rain Man parce qu’il connaissait toutes les fêtes à souhaiter et nourrissait une passion pour la météo.
Christian, lui, du haut de sa cinquantaine, tombait souvent, marquant son corps d’ecchymoses. Cet homme, gentil mais très collant, réclamait en permanence des cigarettes et du café. Interné depuis 1989, il arborait toujours le même pyjama et piquait régulièrement des crises nécessitant de l’attacher à son lit.
Dans cette galerie des fêlures de l’âme, je me souviens encore de Henri, le plus imprévisible de tous, homme dont il fallait se méfier parce qu’il pouvait vous frapper à tout instant, ainsi que de Samuel, qui m’a toujours appelé Monsieur, de Paul dont le souvenir reste diffus, de Maxime, avec son mètre quatre-vingt-dix et ses cent dix kilos, de Clarence qui était voleur, sans oublier le violent Jim qui frappait souvent Christian.
Un beau panel des désarrois et désastres du psychisme humain au sein duquel je m’évertuais à ne pas attirer l’attention pour éviter toute réaction intempestive.
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Les jours avancent. Inexorablement. Mais pas mon dossier ni ma libération.
Alors que je me reconstruis peu à peu, monsieur Roger, le cadre du service, me fait parvenir une ordonnance du juge rejetant une confrontation avec David Delplanque et Aurélie Grenon. Pourquoi ce refus ? De quoi a-t-on peur ? De devoir admettre qu’a été enfermé un innocent ?
Le samedi 16 février, après la visite de mon neveu et de sa fiancée, en proie au cafard je dévore cinq cents grammes de pralines qui me donnent une superbe crise d’acétone, des insomnies et un début d’indigestion.
Le lendemain, j’ai besoin de toute la psychologie de l’infirmier Jean Benoît pour redresser la barre. C’est vrai qu’avec lui je reprends du poil de la bête. « Les affaires de pédophilie sont souvent longues et tortueuses, me dit-il, mais la vérité finira par éclater. » Dieu vous entende Jean Benoît, mais comment mettre vos convictions au diapason de personnes donnant l’impression de lire en diagonale les courriers des avocats ? Le mien fait une démonstration mathématique et scientifique s’appuyant sur des déclarations de médecin attestant de mon innocence et de la nécessité de me placer en liberté provisoire, mais rien n’y fait.
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La paroi de ma vie est enduite de savon et je glisse tout le temps. Le médecin psychiatre s’en rend compte et m’explique pourquoi il doit alourdir mon traitement. Une modification qui me rend plus abattu de tristesse.
Lundi 18 février 2002. Après une visite chez le médecin, je constate que le personnel médical fait l’impossible pour m’aider tout en restant dans les limites réglementaires autorisées. À l’impossible nul n’est tenu et je leur en sais gré ! Quand, en fin de journée, la collaboratrice de maître Delarue me fait part de l’évolution du dossier, je ne bronche pas. Elle regrette toutefois l’attitude d’Odile, trop vindicative selon elle lors de l’audience de la cour d’appel. Une hargne qui me
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