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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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la circonstance, la justification en était une brève campagne qui venait de s’achever au Maroc où des troubles avaient suivi le meurtre du roi, mon cousin Ptolémée, par Caligula. Je n’étais en rien responsable de l’expédition marocaine, et bien que ce fût maintenant la coutume de voter une robe triomphale au commandant en chef à l’issue d’une campagne, même s’il n’avait jamais quitté la cité, je n’aurais pas accepté cet honneur si je n’avais été motivé par une raison précise. Il paraîtrait bizarre, pensai-je, qu’un commandant en chef dédie un temple aux deux seuls demi-Dieux grecs qui avaient jamais combattu pour Rome, vêtu d’une robe attestant qu’il n’avait jamais en fait assumé le commandement véritable d’une armée. Mais je ne portai ma couronne et ma cape triomphales que durant la cérémonie elle-même   ; pendant le reste des cinq jours que dura la fête, je revêtis la robe ordinaire des sénateurs, bordée de pourpre.
    Durant les trois premières journées furent donnés des spectacles au théâtre de Pompée que je reconsacrai pour l’occasion. La scène et une partie de l’auditorium avaient brûlé sous le règne de Tibère, mais il l’avait fait reconstruire pour le dédier de nouveau à Pompée. Cependant, Caligula, prenant ombrage du titre de Pompée «   le Grand   », dans l’inscription figurant au fronton, s’était dédié le théâtre à lui-même. Je le restituais maintenant à Pompée, mais sur mon initiative, une inscription au fond de la scène rappelait que Tibère l’avait reconstruit à la suite de l’incendie avant que je le rende moi - même au culte de Pompée. C’est le seul bâtiment public sur lequel j’ai jamais laissé figurer mon nom.
    Je n’avais jamais apprécié cette coutume si contraire à l’éthique romaine, apparue à la fin du règne d’Auguste selon laquelle des femmes et des hommes d’un rang élevé se produisent sur la scène pour faire montre de leurs talents de comédiens et de corybantes. Je ne comprends pas qu’Auguste ne les ait pas découragés plus sévèrement qu’il ne le fit. Son successeur Tibère n’aimait pas le théâtre, quels que fussent les acteurs, et n’y voyait qu’une perte de temps et un encouragement au vice et au dévergondage. Caligula, en revanche, non seulement rappela les acteurs professionnels que Tibère avait banni de la cité, mais encouragea vivement de nobles amateurs à jouer. Lui-même se produisait souvent sur la scène. Ce que je trouvais de plus inconvenant dans cette innovation, c’était le total manque de talent des nobles amateurs. Les Romains ne sont pas des acteurs nés. En Grèce des hommes et des femmes de haute naissance montent volontiers sur la scène et s’acquittent toujours de leur tâche honorablement. Mais je n’ai jamais vu un amateur Romain montrant les moindres dons. Rome n’a produit qu’un seul grand acteur, Rosicus, mais il n’atteignit son extraordinaire perfection dans cet art qu’au prix d’un extraordinaire labeur. Pas une seule fois il ne fit un seul geste, un seul mouvement sur scène sans l’avoir au préalable répété sans relâche jusqu’à ce qu’il parût naturel. Aucun autre Romain n’a jamais eu la patience de se métamorphoser en Grec. Aussi en cette occasion j’adressai des messages spéciaux à tous les nobles des deux sexes ayant jamais paru sur la scène sous le règne de Caligula pour leur ordonner, sous peine d’encourir mon déplaisir, de jouer dans deux pièces et un interlude que j’avais choisis pour eux. Aucun acteur professionnel ne devait les seconder, précisai-je. En même temps, je convoquai Harpocras, mon secrétaire aux Jeux et lui demandai de réunir la meilleure troupe d’acteurs professionnels de Rome et qui pourrait peut-être, le deuxième jour du festival, donner une démonstration de son talent. Le programme devait être le même, mais je gardai ce détail secret. Ma petite leçon de choses se révéla très efficace. Les spectacles du premier jour furent pitoyables à regarder. Des gestes si empruntés, des entrées et des sorties si maladroites, des textes si marmonnés et mutilés, un tel manque de gravité dans la tragédie et d’humour dans la comédie, que le public manifesta rapidement son impatience en toussant, en raclant des pieds et en bavardant. Mais le lendemain la compagnie d’acteurs professionnels se montra si brillante que depuis lors aucun noble, homme ou femme,

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