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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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d’art en ruine.
    — Il s’est passé bien des événements, dans ce voyage de trois jours qu’il serait trop long d’évoquer. On traverse le Rhin à Mayence, sur un pont de bois digne d’un western, puis l’on arrive enfin en France, à Thionville.
    — Notre train s’arrête avant la gare, à hauteur du faubourg de Basse-Yutz. Nous n’oublierons pas l’accueil des braves Lorraines qui sont venues le long du train, nous apporter des fruits, des boissons et qui pleuraient en voyant notre état.
    — La locomotive est décrochée du train ; je me renseigne et apprends que l’arrêt sera long, le convoi devant continuer jusqu’à Longuyon où seront effectuées les opérations sanitaires, administratives, etc. avant la dispersion dans nos régions respectives. Comme j’avais été en garnison, de 1934 à 1938 à Thionville, où j’avais laissé beaucoup d’amis, je décide de m’avancer jusqu’à la gare et de m’y renseigner sur le sort advenu à mes anciennes relations.
    — Sur le quai, je reconnais un très vieil ami : l’abbé Germain, ancien vicaire, que j’avais retrouvé à Grenoble en 1940-1942. Il ne me reconnaît absolument pas, sauf ma voix dit-il ; il lui était impossible d’identifier qui j’étais. M’étant fait connaître, il tombe dans mes bras, me dit qu’il est l’aumônier du centre d’accueil et de démobilisation de Thionville. Il me donne de bonnes nouvelles de ma famille avec qui il était resté en relation et me dit que, pour moi, ce soir-là, le voyage était terminé, et que je serai immédiatement démobilisé sur place.
    — Je lui indique que j’étais avec des camarades du même pays que je ne pouvais abandonner. Il les envoie chercher et c’est ainsi que Quentin Miglioretti, Étienne Martin, Pierre Troadec et moi nous avons été réintégrés dans la société française à Thionville. Un télégramme fut immédiatement envoyé pour avertir et rassurer nos familles. Puis, à la caserne Jeanne d’Arc, nous subissons immédiatement toutes les opérations imposées. Munis de nos papiers d’identité, de notre feuille de route, de cartes d’alimentation, nous redevenions des hommes comme les autres, avec, en plus, en poche un magnifique billet de 1 000 francs. Ce billet a une histoire que je vais raconter. Aussitôt en sa possession, je sors en ville, entre dans un magasin, et demande à acheter des mouchoirs. Notre apparence indiquait tout de suite qui nous étions et d’où nous venions. Aussi la brave négociante me donne trois mouchoirs et refuse de se faire payer. Puis, j’entre chez un coiffeur pour me faire couper les cheveux ; sans que j’en demande plus, il me rase et, d’autorité, me fait un shampooing, me frictionne, me noie de parfum… et je suis sorti avec, toujours en poche, mon billet intact. « J’aurais honte, me dit le coiffeur devant mon insistance à le payer, de prendre l’argent d’un déporté. » De retour à la caserne, j’ai été admiré et longuement reniflé par les camarades qui se sont copieusement moqués de mon « élégance ».
    — J’invite l’abbé et les amis à souper en ville où j’avais retenu une table à l’hôtel Métropole, le plus luxueux de la ville. Je me rappelle, entre autres choses délicieuses, une entrecôte grillée, des œufs sur le plat, un délicieux Munster et le petit vin des coteaux de la Moselle… Et là encore je n’ai pu payer (j’ai l’impression, bien qu’il ne l’ait jamais reconnu, que l’abbé était discrètement passé à la caisse avant moi).
    — C’était extrêmement vexant, et j’en souffrais, je n’avais pas l’impression d’être devenu un homme comme avant ; j’avais bien un mouchoir et n’étais plus, de ce fait, obligé de me moucher entre mes doigts, comme nous le faisions tous depuis des mois ; j’étais pomponné, je sentais bon – trop – mais avoir de l’argent et ne pouvoir le dépenser à sa guise c’était vraiment agaçant et j’avais le besoin d’éprouver le plaisir de m’offrir ce que je désirais, comme tout le monde, en payant.
    — Après une bonne nuit, on nous embarque, en première classe, dans un train allant à Nancy. Arrêt en gare de Metz – beaucoup de voyageurs – et quelques soldats allemands, prisonniers chargés de balayer les quais. Ils n’en faisaient pas lourd, appuyés sur leur balai, ou assis sur des brouettes. On ne pouvait facilement oublier que certains de leurs compatriotes

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