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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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donc quarante coups au lieu de vingt, et tous du
premier degré.
    — Mais, dit Merdanson dont la
face pâlit à cette affreuse menace, ne peux-je vous payer à la fin de ce mois
quand je recevrai ma pension ?
    — Nenni, dit le bedeau. Je ne
mange pas de rôt à la fumée. Au surplus, j’ai mon honneur : point ne
fouette à crédit.
    — Samson, dis-je alors, baille
dix sols pour Merdanson à M. le Bedeau. Il doit être puni en même guise que
moi. Sans cela l’équité du verdict ne serait point respectée.
    — Ventre Saint-Vit ! dit
Merdanson, m’envisageant comme s’il ne m’avait jamais vu, Siorac, vous êtes un
honnête drole, tout novice que vous soyez. Je vous rendrai ces pécunes.
    — Non point. Je vous les donne
pour l’amour que je voudrais qui règne entre novices et anciens.
    — C’est parlé, cela,
Pierre ! s’écria avec feu le Docteur d’Assas.
    Et nos bons écoliers d’applaudir
comme s’ils étaient au théâtre combien que le plus beau de la comédie, certes,
fût encore à venir, et fort attendu d’eux à ce qu’il me sembla.
    — Messieurs, dénudez-vous, je
vous prie, et placez-vous côte à côte pour ma plus grande commodité.
    Nous fîmes tous deux comme il avait
dit, et fort vergognés, comme bien on pense, d’exposer nos parties cachées à la
curiosité de tous.
    — Ha ! les jolis culs que
voilà ! s’écria Fogacer d’un ton riant et friand et quittant son estrade,
il tira vers nous. C’est, reprit-il, merveille, l’un et l’autre ! À peu
que l’eau ne m’en vienne à la bouche !
    Et bien que cette saillie fît rire
les écoliers à gueule bec, je la trouvai, à part moi, vilaine et peu congrue,
et cela me donna peine que Fogacer l’eût faite.
    — Siorac, dit Merdanson à voix
basse en s’agenouillant à mes côtés, avez-vous déjà été fouetté ?
    — Oui-da, par mon père.
    — Ha, cela n’est rien !
Tenez, prenez ma main, et quand le bedeau frappera, serrez-la avec force.
Serrez aussi les dents et bandez tous vos muscles. Le dol sera moins vif.
    — Messieurs, êtes-vous
prêts ? dit Figairasse en faisant siffler sa verge au-dessus de nos têtes.
    — Abrégez, Monsieur le Bedeau,
dit le Docteur d’Assas.
    — J’abrège, Révérend Docteur,
dit Figairasse. Cependant, il y faut quelque cérémonie. Messieurs, je frapperai
deux coups l’un, et deux coups l’autre, alternativement. Êtes-vous prêts ?
    — Oui-da ! dis-je. Et
finissez !
    — Ha, Monsieur l’Écolier, dit
Figairasse, je ne fais que commencer, et bien long vous paraîtra le temps avant
que j’en aie fini.
    — Commencez, je vous prie,
Monsieur le Bedeau, dit le Docteur d’Assas.
    Et je reçus deux fouettements si
stridents et cuisants qu’ils me coupèrent le souffle. Cependant, je n’ouvris
pas la bouche et n’émis aucun son.
    — Ventre Saint-Vit,
Siorac ! dit Merdanson, ne restez pas bec cousu ! Hurlez ! Cela
soulage !
    Et là-dessus, recevant à son tour sa
ration, il hurla.
    — À la bonne heure ! dit
Figairasse, en voilà un qui connaît la musique ! J’aime qu’on crie !
Cela me soulage aussi !
    Je reçus alors sans broncher
davantage deux coups qui me parurent plus forts que les précédents et quand
revint mon tour, je compris que je n’arriverais pas sans me pâmer au bout de
cette épreuve si je ne laissais pas crier la bête. Et serrant avec force la
main de Merdanson qui jamais ne m’avait paru si amicale, je hurlai à déboucher
un sourd.
    — Voilà notre gentilhomme qui
s’y met aussi ! dit Figairasse. Allons, j’aime mieux ça ! Je tiens
pour la réaction naturelle !
    Et certes, il avait raison, et
mêmement quant à la longueur du temps qu’occupa ce supplice, et qui me
paraissait durer depuis une heure alors que le bedeau ne m’avait encore baillé
que dix coups.
    — Monsieur le Bedeau, dit
d’Assas tout soudain, arrêtez. Il me semble que vous perdez la main. Ces deux
derniers fouettements me paraissent relever du premier degré davantage que du
second.
    — Ha Révérend Docteur, cela ne
se peut ! dit Figairasse d’un ton piqué. J’en donne au patient pour le
prix qu’il a payé, ni plus ni moins. Et quand j’aurai fini, vous verrez le sang
très près de la peau, mais non pas couler au-dehors. J’ai la main fine.
    — Je l’espère pour vous,
Monsieur le Bedeau, dit le Docteur d’Assas d’un ton dur et menaçant qui ne
laissa pas de m’étonner, le bon régent étant de son naturel si

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