Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
Vom Netzwerk:
repentit en se disant qu’après tout elles savaient où la trouver, chassa cette idée inconvenante et promit que cela ne se reproduirait pas, qu’elle ne remettrait plus les pieds dans une auberge, qu’elle refuserait le mariage pour rester pucelle, qu’elle aurait une pensée pour elles dans toutes ses prières. Elles s’avancèrent dans une buée de cristal et tendirent leurs mains vers Jeannette en souriant.
    Soudain, comme sous une rafale de vent, la vision s’estompa, s’effaça, et la nuit reprit possession de la forêt.
     
    Elle se disait que saint Michel tardait bien à lui faire une nouvelle visite et que peut-être il boudait sans qu’elle pût en deviner la raison.
    Il se manifesta de nouveau, en plein jour, au début de l’automne, alors que Jeannette, sa tâche ménagère accomplie, prenait quelque repos sous le pommier, en face de l’église. Elle perçut du coin de l’oeil un éclair diffus sabrant le mur du sanctuaire de signes mystérieux. Certaine que son frère du Paradis allait se montrer de nouveau, elle jeta son trognon de pomme et se mit en oraison. Elle l’aperçut entre l’église et la haie, flottant tel un arc-en-ciel, comme cherchant où poser ses jambes lumineuses, crépitant d’une lumière céleste.
    La voix était plus nette que d’ordinaire, lui sembla-t-il, quand saint Michel lui dit :
    – Je te porte la parole de Dieu, Jeannette. Conduis-toi bien, sois bonne. Bientôt tu sauras la raison de mes visites. Bientôt...
    Cette vision ressemblait à s’y méprendre à l’image coloriée du novice de Neufchâteau : il ne manquait ni l’habit d’étoiles, ni la lance, ni le dragon.
    Ce jour-là, elle se mit à table avec un bel appétit : elle n’avait mangé qu’une pomme depuis la veille au matin.
     
    Josef Birkenwald avait obtenu un congé du capitaine de Neufchâteau pour venir prêter main-forte aux vendanges et aux labours. Il apportait de mauvaises nouvelles de France.
    – Le dauphin Charles a bien des tracas, dit-il. Bedford s’était rendu en Angleterre pour y mater une rébellion. Le voilà de retour, bien décidé, à ce qu’on dit, à en finir une fois pour toutes avec la résistance des Français. Il vient d’envoyer une armée devant Orléans. Si cette ville tombait, je ne donnerais pas cher de ce pauvre roi de Bourges, comme disent ses adversaires, et de son royaume. Son armée poussera sans peine jusqu’à La Rochelle, rebondira en direction de Bordeaux et de la Guyenne. Pauvre Charles... Il aurait déjà prévu de se retirer en Dauphiné ou en Aragon.
    – Dieu protège notre gentil dauphin, dit Jeannette, et le duc Charles d’Orléans, et Madame Yolande. Ils n’ont rien à craindre. Les Anglais seront boutés hors de France.
    – Ça, par exemple ! s’écria Jacques en laissant tomber sa cuillère dans sa soupe. Qu’est-ce que tu nous chantes là ? Qui t’a appris tout ça ?
    – Personne, dit Jeannette, mais je le sais.
    Ce qu’elle n’aurait su dire, en revanche, c’est où se trouvaient cette ville d’Orléans, l’Aquitaine, la Guyenne, Bordeaux, et qui pouvaient être le duc Charles d’Orléans et Madame Yolande. Pour elle comme d’ailleurs pour toute la famille, la guerre qui se livrait en France était aussi confuse que le conflit qui opposait, dans les déserts de Palestine et de Judée, les troupes amalécites à Israël.
    – Josef, dit le père, toi qui sembles bien informé, tu peux nous dire où ça se trouve, Orléans ?
    Josef demanda un morceau de craie servant à marquer le bétail, écarta ce qui restait du repas et approcha la chandelle. À grands traits, en s’excusant de leur imprécision, il dressa la carte de la France. À l’aide de noix, il situa Paris, Bordeaux, Orléans, Toulouse. Vaucouleurs était approximativement ici et Neufchâteau là. Autour, du plat de la main, il marqua la présence de l’océan et des mers. Cela ne ressemblait à rien et lui donnait une idée des plus sommaires de la situation. Avec un geste de son avant-bras, il coupa la France en deux, disant :
    – Là se situe le fleuve Loire. Orléans est au milieu. De ce côté, c’est le Nord où dominent les Anglais et les Bourguignons. De l’autre côté de la Loire, c’est le Sud où le dauphin règne avec les Armagnacs.
    Chacun se tut. Une petite lumière venait de scintiller dans la nuit de l’ignorance. Elle n’éclairait que des apparences, et chacun eût aimé en savoir davantage.
    Il tombait ce soir-là une lourde pluie

Weitere Kostenlose Bücher