Et Dieu donnera la victoire
assauts avaient suivi les bombardements. Troquant la pelle et la pioche pour leurs armes, les Anglais se ruaient sur les remparts. Vigilants, les Orléanais les accueillaient par des déluges de poix, d’huile et de cendres brûlantes apportées par les femmes.
Désormais, plus de repos ! Chaque jour apportait son lot d’événements. Le 24 octobre – encore un dimanche ! – Salisbury se rendit maître des Tourelles, ce qui présageait mal des jours à venir. On organisa des processions, on fit une monstrance des reliques des deux saints patrons de la ville, Aignan et Euverte, avec une gigantesque rouelle de cierges promenée à travers rues et places.
Ce même jour, le comte de Salisbury se montra de belle humeur. Il s’engagea gaillardement sur ce qui restait du pont mutilé, jusqu’à l’île occupant le milieu du fleuve. Il sifflait un air du Wiltshire, les mains dans sa ceinture, son chapeau sur l’oeil.
– Glasdale, La Pole, lança-t-il, regardez bien et donnez-moi votre avis. Nous devrions construire un pont de bateaux pour accéder à l’autre rive.
L’idée était simple, mais il fallait y penser.
Il était en train de leur expliquer le meilleur moyen de s’y prendre pour tenter cette manoeuvre quand il s’interrompit au milieu d’une phrase, tomba sur les genoux et bascula en arrière : un boulet venait de lui arracher un oeil avec une partie du visage.
Dunois était attablé à l’auberge de l’écu Saint-Georges, proche de son domicile, quand on lui amena un couleuvrinier qu’il avait déjà rencontré sur les remparts. Maître Jean avait la réputation de ne jamais rater son coup mais, en l’occurrence, il ne paraissait pas très fier de lui et pétrissait son bonnet entre ses mains.
– C’est donc toi, bonhomme, lui dit le Bâtard, qui as réussi ce beau coup ? Compliment !
– J’aurais bien aimé, bredouilla l’artillier, mais je n’y suis pour rien. Faut dire que j’étais en train de faire la sieste près de ma couleuvrine quand je fus réveillé en sursaut par une détonation. À travers la fumée j’eus le temps de voir déguerpir un galopin qui paraissait avoir des ailes aux talons. Je lui courus après en l’injuriant mais ne pus le rattraper. Revenu au merlon, qu’est-ce que je vis ? Un officier allongé à la tête du pont, raide mort à ce qu’il semblait. Si je tenais le bougre qui a osé se servir de ma couleuvrine sans ma permission...
– Si tu le retrouves, dit Dunois, tu lui bottes le cul et tu me l’amènes. Il mérite une récompense...
Pour les fêtes de la Nativité, il tomba une neige si dense que les opérations du siège restèrent au point mort. Dunois eut la surprise de voir se présenter un officier anglais qui lui dit, d’un air embarrassé :
– Nous nous apprêtons comme vous sans doute, monseigneur, à célébrer la naissance du Sauveur, notre patron à tous. Alors messire Glasdale vous prie de nous confier quelques musiciens, car nous en manquons.
La requête parut si plaisante au Bâtard qu’il accepta. L’officier repartit avec des joueurs de chalumeau, de musette, de douçaine et de tambour en promettant qu’ils seraient de retour le lendemain et fort bien traités. Toute la nuit, les hommes de veille aux remparts entendirent, venant par bouffées à travers la neige, des Tourelles illuminées, une musique qui rappelait le choeur des anges.
Le lendemain de Noël, c’est une autre musique qu’entendirent les assiégés : le bombardement avait repris avec une intensité accrue ; des boulets anglais crevèrent quelques toitures et défoncèrent la boutique d’un marchand de poissons.
Dans les premiers jours de janvier arrivèrent sur la Loire deux éminents chefs anglais : le baron John Talbot, premier comte de Shrewsbury, accompagné de lord Thomas Scales, un des héros de la bataille de Verneuil où l’armée du dauphin avait été étrillée. Ils amenaient avec eux trois cents soldats et des pièces d’artillerie.
Alors que la disette menaçait dans la cité, un convoi de vivres parvint à franchir les lignes, apportant aux assiégés un troupeau de porcs et de moutons.
Du côté des assiégeants, la situation était pire. On avait dû abattre presque tous les chevaux et il fallait aller chercher fort loin à travers la Beauce le blé nécessaire à la troupe. L’arrivée d’un fort contingent de Bourguignons envoyé par le duc Philippe fut accueilli par des compliments et des grimaces :
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