Et Dieu donnera la victoire
c’étaient autant de bouches à nourrir, s’ajoutant à celles qui, déjà, avant de chanter victoire, criaient famine.
C’est alors qu’un émissaire du régent annonça qu’il se préparait, à Paris, une armée de secours apportant des hommes, des munitions et des vivres ; elle serait conduite par sir John Falstaff, grand maître d’hôtel de Bedford.
Informé de cette nouvelle alarmante, Dunois réagit sans attendre.
– Nous devons à tout prix empêcher ce convoi d’arriver jusqu’ici, dit-il. Nous nous porterons à sa rencontre avec la troupe cantonnée à Blois. Si nous parvenons à couper la route à Falstaff, nous ferons coup double : nous emparer de leurs chariots de vivres et de munitions, saper le moral de l’ennemi.
L’interception eut lieu sur la route d’Étampes, non loin d’Angerville, en vue du village de Rouvray. Alertés par leurs éclaireurs, les Anglais formèrent avec leurs trois cents chariots un parc devant lequel ils se rangèrent en ordre de bataille.
Alors que le connétable d’Écosse, William Stuart, avait du mal à maîtriser sa troupe, Dunois jugeait prudent d’attendre l’arrivée du comte de Clermont qui lui amenait le contingent de Blois. Au mépris des consignes, les Écossais lancèrent un corps de cavalerie contre l’enceinte de pieux abritant les yeomen ; ils reculèrent sous une grêle de flèches.
Dunois était en train de tempêter contre cette initiative aventureuse et prématurée lorsqu’il vit une vague de cavaliers anglais déferler au cri de « Forward ! » et semer la panique dans les rangs de sa troupe.
En dépit d’une blessure au pied occasionnée par le trait d’un yeoman , le Bâtard parvint à regrouper quelques compagnies de La Hire et de Xaintrailles, afin d’occuper leurs positions dans l’attente des renforts venus de Blois. Le comte de Clermont arriva comme moutarde après dîner et, constatant que la bataille était perdue, se hâta de remonter vers la Loire.
C’était le 18 février, jour de la fête des Brandons. On appela cette bataille de Rouvray « la Journée des Harengs », par dérision et parce que les chariots anglais transportaient principalement ces poissons séchés destinés au Carême.
De retour à Orléans, boitant à la suite de sa blessure, le Bâtard se rendit auprès du comte de Clermont qui avait pris les devants et avait été accueilli avec des quolibets par les habitants.
– Votre conduite est inqualifiable ! s’écria-t-il. Si nos Écossais se sont trop pressés d’attaquer, vous, en revanche, vous vous êtes fait attendre. Je veux bien mettre cette faute sur le compte de votre jeunesse et de votre inexpérience, mais je vous tiens pour responsable de notre défaite. Vos Auvergnats...
– ... mes Auvergnats, monseigneur, sont difficiles à manier. Alors que nous allions à votre rencontre et que le temps pressait, je n’ai pu les retenir de piller les villages que nous traversions. J’avoue avoir manqué de l’autorité nécessaire, mais cette campagne était pour moi un coup d’essai. La leçon me sera salutaire.
Le départ de Clermont ne chagrina personne ; on estimait même qu’il eût mérité la corde. En revanche, la désertion des meilleurs capitaines, mortifiés par la défaite humiliante de Rouvray, souleva une tempête dans la population : on leur fit une haie de déshonneur, on les couvrit d’insultes et de crachats en criant qu’ils étaient des traîtres et des poltrons.
Ce départ honteux précédait de quelques jours l’arrivée à Orléans de monseigneur Regnault de Chartres, l’un des conseillers du dauphin, venu s’enquérir de la situation. Il eut un entretien avec Dunois et lui dit :
– Le rapport que je ferai au dauphin ne vous sera guère favorable. Tout va à vau-l’eau et je verrais déjà les Anglais maîtres de la ville si je n’avais quelque raison d’espérer en un secours qui vous surprendra. Croyez-vous aux miracles ?
– Je crois, bougonna le Bâtard, à mon épée, au courage de la population et de mes hommes. De quel miracle voulez-vous parler ?
Regnault l’entretint de la pucelle des marches de Lorraine qui, disait-on, avait reçu du ciel la mission de délivrer Orléans, de faire sacrer le dauphin à Reims et de chasser les Anglais hors du royaume. Ceux qui avaient la foi chevillée au corps croyaient à ces prédictions ; d’autres s’en gaussaient ou, comme La Trémoille qui penchait pour les Bourguignons, voyaient d’un mauvais
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