Et Dieu donnera la victoire
puis vous assurer que, si vous les aviez déçus, ils ne vous l’auraient pas envoyé dire.
– Si j’ai convaincu le dauphin, tout le reste suivra.
– Ce n’est pas si simple ! Vous l’avez ébranlé, mais il doit rester encore quelques doutes dans son esprit. De plus, la plupart de ses conseillers ne vous sont guère favorables. Cette cour, Jeanne, est un véritable panier de crabes, mais rassurez-vous : je continue à veiller.
Une nouvelle épreuve attendait Jeanne.
Elle apprit avec stupeur que le dauphin avait décidé de la faire examiner par les membres du Parlement et de l’Université de Paris qui, fidèles au Valois, s’étaient exilés à Poitiers. Elle attendait l’ordre de prendre la route d’Orléans et c’est à Poitiers qu’on allait la conduire ! Elle ignorait où se trouvait cette ville et en quoi allait consister ce nouvel examen.
– Je vous accompagnerai, dit Madame Yolande, ainsi qu’une partie de la cour. Vous avez surpris tout le monde, et ces gens n’aiment guère les oiseaux rares. Tant qu’ils ne seront pas certains de la pureté de vos intentions et de la vérité de vos dons, ils vous refuseront leur confiance. Si seulement vous pouviez leur donner un signe...
– En nom Dieu, qu’on me laisse partir pour Orléans et on l’aura, ce signe !
L’audience se déroula dans les appartements d’un avocat au Parlement, conseiller du dauphin, maître Rabateau, en son hôtel de la Rose. L’assemblée était plus fournie qu’à Chinon dans la tour de l’Horloge. Les questions ne différaient guère des précédentes, mais le jury se montrait plus accommodant, Madame Yolande étant intervenue dans le choix des membres.
Question de maître Lombard, professeur de théologie : qu’est-ce qui avait poussé Jeanne à vouloir rencontrer le dauphin ? Réponse :
– Mes voix m’ont dit qu’il y avait grand pitié au royaume de France et qu’il fallait que je me rende à Vaucouleurs pour y rencontrer le capitaine de Baudricourt afin qu’il me fasse conduire chez le dauphin.
Question de Guillaume Aymeri, dominicain et théologiste : si Dieu a décidé de délivrer la France, quel besoin a-t-on d’une armée ? Réponse de Jeanne :
– Les gens d’armes livreront bataille, mais Dieu donnera la victoire.
Question de maître Seguin, autre professeur de théologie : quel langage parlaient ces voix et Jeanne croyait-elle en Dieu ? Jeanne se fit répéter la double question du clerc qui s’exprimait avec un fort accent du Limousin, et lui répondit, avec assurance :
– Un langage meilleur que le vôtre ! Et je crois en Dieu plus sincèrement que vous !
Elle ajouta avec feu :
– J’ai quatre prédictions à vous faire : les Anglais seront battus devant Orléans. Ils en seront bientôt informés car je vais le leur écrire ; le dauphin sera sacré roi en la ville de Reims ; Paris redeviendra la capitale du roi de France ; le duc Charles d’Orléans reviendra d’Angleterre... Tous ces événements se produiront, je vous l’affirme de par Dieu !
Au cours du souper donné par le dauphin à la maison de ville, Jeanne dit à Madame Yolande :
– Ces gens ont si peu de foi qu’il leur faut des signes. N’est-ce pas un signe que je sois là, devant eux, moi qui ne suis rien qu’une bergère et qui sais tout juste écrire mon nom. En a-t-on fini ?
– Pas tout à fait, mon enfant. Il vous reste une dernière épreuve à subir, mais vous la passerez avec honneur. Certains osent encore douter de la pureté de vos moeurs, vous reprochent d’avoir servi dans une auberge, d’avoir eu des galants, que sais-je encore ? Vous allez devoir faire la preuve de votre virginité et démontrer ainsi que vous n’êtes pas une sorcière, comme certains le laissent croire. Ce dernier obstacle franchi, rien ne s’opposera à ce que vous partiez pour Orléans.
Madame Yolande convoqua deux de ses suivantes, les dames de Gaucourt et de Trèves, afin de procéder à l’examen. Leur rapport confirma qu’elle était vraie et entière pucelle, en laquelle n’apparaissaient aucune corruption ni violence.
Ce qu’elles ne mentionnèrent pas dans leur rapport, c’est que ladite pucelle avait subi l’outrage avec déplaisir et avait insulté les matrones.
Jeanne avait annoncé son intention d’écrire une lettre aux Anglais. Elle l’adressa au roi d’Angleterre en personne, au régent et aux capitaines qui se tenaient devant Orléans. Informée de cette décision, Madame
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