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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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l’entendais souvent en Normandie. Elle réveillait les gens et il n’en fallait pas plus pour qu’ils sautent sur leurs armes et courent sus aux Godons. Ici elle n’a guère plus d’effet qu’un chant de rossignol dans un cimetière.
    Dès leur première rencontre, d’Alençon s’était dit prêt à suivre la Pucelle sur les chemins de la guerre. Il lui avait suffi de voir surgir cette fière gaillarde habillée en soldat, de l’observer en train d’arpenter le sol d’un pas lent et large de semeuse, comme pour en prendre possession, d’imaginer autour d’elle un air qui sente l’encens et la poudre à canon. Cette fille de légende, à la fois mystique et guerrière, venue vers le dauphin par les chemins de la nuit et de la forêt, le poursuit dans son sommeil et dans ses veilles.
    Lorsqu’ils marchent ou chevauchent botte à botte, on dirait deux fiancés. Parfois, pour descendre vers la rivière à travers des prairies de pâquerettes et de renoncules, ils se tiennent la main. Ce sont, dit-on, deux beaux adolescents. Ils partagent une belle amitié ; il s’en faudrait de peu pour qu’ils s’aiment d’amour, si Jeanne n’était à Dieu plus qu’aux hommes.
     
    Madame Yolande ne partageait pas les sentiments de la Pucelle pour son neveu.
    – Ce grand imbécile ! disait-elle avec mépris. Il aimerait jouer à la guerre, mais il sait bien qu’il en est empêché tant que la rançon du duc Charles n’aura pas été payée. S’il souhaite la défaite des Anglais, c’est qu’elle lui permettrait de reconquérir ses domaines de Normandie.
    Jeanne trouvait ce jugement sévère et injuste. Elle se disait que Madame Yolande elle-même n’attendait pas autre chose qu’une défaite éventuelle des Anglais, qui lui permettrait d’éloigner la guerre de ses domaines angevins. La bonne mère du dauphin ne perdait jamais de vue ses intérêts.
    Que cela lui plaise ou non, le « grand imbécile » plaisait à Jeanne. Il était d’esprit lent, timoré, imprévisible, mais on lui pardonnait ces défauts car il était de noble descendance. Parfois Jeanne le rabrouait :
    – En nom Dieu, mon ami, je ne suis plus une enfant et vous n’êtes pas ma nourrice. J’apprécie votre présence, mais cessez de me suivre comme un chien. Je ne risque rien, et, le cas échéant, je saurais me défendre seule.
    – Tu te trompes, Jeanne, si tu te crois à l’abri de tout danger. L’ennemi a des espions et des hommes de main partout, même à Chinon, même sans doute dans le château. J’en connais qui aimeraient te voir flotter sur la Vienne, un poignard entre les deux épaules.
     
    Lorsque le duc Jean voulut lui apprendre à monter mieux à cheval, elle le rabroua, prétextant qu’elle eût pu lui en remontrer. Il insista : quand elle partirait pour Orléans, il serait nécessaire qu’elle sût maîtriser sa monture dans les circonstances les plus dangereuses. Une chose était de franchir plus de cent lieues et une autre de s’engager dans une mêlée. Lui, Jean, était présent à Azincourt et à Verneuil. Alors, il pouvait lui donner les leçons.
    – Almanzor est un bon cheval, qui supporte bien les longs trajets, mais tu auras besoin d’autre chose que d’un bidet de promenade. Je vais t’offrir un de mes meilleurs destriers, avec la selle, les éperons et tout le saint-frusquin. Quant à Almanzor, je vais l’envoyer à l’équarrisseur. Il boite et se fait vieux.
    – J’accepte votre cadeau, répondit Jeanne, mais je refuse de sacrifier mon cheval. Il peut rendre encore des services. Je le confierai à Jean de Metz qui a besoin d’une nouvelle monture.
    Le duc Jean fit amener Pollux sur le pré. Jeanne en fut éblouie : c’était un fort cheval de combat, à l’encolure puissante, aux jambes fines mais robustes, un demi-coursier comme elle les aimait, ni trop lourd ni trop léger. Celui-ci semblait lui être destiné.
    – Mon beau duc, dit-elle avec des larmes dans la voix, merci de ce présent royal. Oubliez ce que je vous ai dit. Je vous aime.
    Il chancela. Une buée d’émotion lui envahit le visage. Quand il tenta de la prendre dans ses bras, elle le repoussa doucement, regretta son propos maladroit : elle l’aimait, certes, mais comme un frère. Il battit en retraite et se consola en se disant que peut-être, plus tard, sa mission accomplie, ses voix tues...
    Il oubliait qu’il avait à Saumur, et qui l’attendaient, une femme et des enfants...
     
    Jeanne caressa la robe de Pollux,

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