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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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cachait son crucifix, lui racontait des sornettes qu’il gobait en toute candeur, glissait des grenouilles dans son lit. Reprenant son sérieux, elle lui demandait de l’instruire des choses de la religion tant son ignorance était grande. Il avait occupé un poste de lecteur dans un monastère avant de courir les pèlerinages et de prêcher les foules, et connaissait par coeur des chapitres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Jeanne en avait fait à la fois son précepteur, son secrétaire et son confesseur.
    Elle n’avait pas tardé à s’étonner auprès de Madame Yolande de l’attention trop insistante de Gilles de Rais, ce jeune seigneur vendéen richissime dont la mine sévère et le regard fascinant la troublaient.
    – Vous n’avez rien à craindre de sa part, lui répondit en riant la reine de Sicile. C’est un bougre .
    Jeanne ignorait le sens de cette expression. Il fallut que sa protectrice, par de laborieuses périphrases, lui fît comprendre que cet étrange personnage n’aimait pas les femmes en général et ce qu’il appelait les « femelles de cour » en particulier. Il leur préférait les petits chanteurs de sa manécanterie qui le suivaient partout et, à l’occasion, quelque joli page aux fesses rondes. Jeanne tombait des nues : un bardache, un sodomite, un bougre, Gilles ? Comment était-ce possible ?
    On prêtait à Gilles de Rais d’autres goûts pervers mais plus communs : il éprouvait une jouissance morbide à la vue du sang. Au cours d’une bataille, à Ludes, on l’avait surpris en train de torturer un capitaine anglais qui demandait à être mis en rançon. Au demeurant, esprit cultivé porté à la philosophie, il lisait les auteurs latins dans le texte, avec une attirance pour les Vies des douze Césars , de Suétone, peut-être parce que le sang y coulait à flots. Il était seul, presque toujours.
    – Que ces révélations, dit la reine de Sicile, n’entachent pas l’estime que vous pourriez avoir pour ses mérites. Gilles est un excellent homme de guerre et, bien qu’étant une créature de La Trémoille, il garde la fidélité pour le dauphin chevillée au coeur, même si ce coeur est plein d’ombre et de poison.
     
    L’escorte s’ébranla dans le grondement du Veni Creator Spiritus et les chants de guerre.
    Elle sortit de Blois en traversant la Loire. Au-dessus de la forêt des lances et de la marée des casques, les bannières des religieux et les enseignes des chevaliers flottaient comme des pétales aux couleurs vives. Une foule en délire se pressait dans les artères et les places des faubourgs. Des gens s’accrochaient aux selles des cavaliers pour leur confier des messages à l’intention des Orléanais. Un printemps mouillé crépitait sur les forêts, les prairies, le fleuve, et lâchait des vols d’étourneaux dans le ciel parcouru par de grandes risées de soleil.
    La colonne constituant l’avant-garde de l’armée qui achevait ses préparatifs à Blois traînait derrière elle une caravane de chariots regorgeant de victuailles, de blé et d’avoine, des troupeaux de boeufs et de moutons, des fourgons où s’entassaient armes et munitions. Cette multitude soulevait sur sa route une poussière dans laquelle jouait le soleil.
    Jeanne chevauchait à l’avant, image de lumière dans sa cuirasse blanche, sous la huque de soie dont le vent soulevait les franges. Jeanne devenue chef d’armée ! Jeanne qui, quelques jours avant, doutait de pouvoir mener à bien sa mission ! Devant elle s’avançait, à pied, conduite par le frère Pasquerel, une cohorte de moines s’égosillant à entonner des cantiques et des hymnes. À ses côtés se tenaient Gilles de Rais et le « beau duc ». Derrière elle, les premiers éléments de l’avant-garde faisaient avec leur piétinement sur la terre ferme un bruit de grosse pluie.
    L’avant-garde passa la première nuit sous les couverts de la forêt de Chambord. Le crépuscule avait poussé vers la Loire une rude averse à laquelle les hommes avaient échappé en se réfugiant dans le village de Muides, tandis que le troupeau était rassemblé dans un taillis proche de Bois-Renard.
    Jeanne profita du moment de détente précédant le souper pour mettre quelques détails au point : elle s’était promis avant le départ d’apporter de l’ordre dans cette horde qui différait peu de la crapaudaille des routiers qui couraient encore les chemins et dont certains étaient venus se faire inscrire pour

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