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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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prochaine, mais ils prenaient cela pour une boutade car elle ponctuait ces propos d’un éclat de rire. Là, sous cet arbre qui lui rappelait son enfance, devant cette rivière au cours paisible et inéluctable comme le destin, ils se disaient que cette prédiction était peut-être réellement inscrite dans le futur, Jeanne ayant déjà donné des marques de ses prédispositions à lire dans l’avenir.
    – Ma petite Jeanne, dit Dunois, tu ne peux mourir si jeune. Dieu et tes frères du Paradis veillent sur toi. Ils t’ont confié une mission. Ils veilleront à ce que tu la mènes à bien et ne t’abandonneront pas.
    – C’est ainsi, Bâtard, et je n’y puis rien. J’ai d’ailleurs fait par avance le sacrifice de ma vie. Jusqu’à ce jour, tout ce que mes voix ont prédit est arrivé. Pourquoi douterais-je d’elles aujourd’hui ?
    Elle s’allongea entre eux, leur prit la main. Ils se dirent l’un et l’autre que pas un instant, alors qu’ils se trouvaient dans son intimité, qu’ils avaient vu son écuyer lui ôter son armure et laisser libre sa forte poitrine de paysanne, ils n’avaient eu la moindre pensée coupable. Elle avait couché à la paillade avec des soudards et pas un n’avait osé attenter à sa vertu. À quoi tenait ce double sentiment d’attirance et d’interdit qu’elle suscitait ?
    – Jeanne, dit Dunois, tes voix peuvent se tromper. Tu ne peux pas mourir, toi, notre petite reine du ciel.
    – Notre Res divina ... ajouta d’Alençon.
     
    La rencontre eut lieu dans la matinée du lendemain, au milieu d’une plaine baignée d’un lourd soleil de début de juin, entre des champs d’où montaient, avec des odeurs d’herbe surchauffée, des concerts de grillons et de criquets.
    Jeanne ôta son chapeau de jonc, inclina la tête sans un mot en gardant un oeil sur le dauphin. Elle le vit sourire, ôter son chaperon, descendre de cheval et se hisser sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Malgré l’émotion qui l’étreignait, elle faillit éclater de rire : Charles tendait vers elle un visage cramoisi, au nez pigmenté de rouge, aux paupières violacées qui lui faisaient des poches grasses sous les yeux, avec de petits flocons d’écume au coin des lèvres. Il la buvait des yeux, promenait ses mains sur ses épaules comme pour mesurer leur ampleur et leur puissance, avec un petit rire qui ressemblait au gémissement d’un chiot affamé.
    – Jeanne..., murmura-t-il, Jeanne, je suis heureux de te revoir saine et sauve. Lorsque j’ai appris ta blessure au siège des Tourelles, j’ai prié pour que Dieu te garde en vie. Il va falloir que nous parlions. Nous avons encore du chemin à faire ensemble.
    – Oui, monseigneur : le chemin qui vous mènera à Reims. Après, à la grâce de Dieu...
    Il lui parla de la lettre qu’il venait de recevoir de l’évêque d’Embrun, Jacques Gélu, l’un des diplomates les plus prisés du Vatican, qui, après avoir émis des doutes sur la sainteté de la mission confiée à la Pucelle, était revenu sur ses préventions. Charles, après tout, pouvait prétendre être le souverain légitime de la France. Et pourquoi, Jeanne n’aurait-elle pas des dons qui l’assimileraient aux sibylles de l’Antiquité, comme la Persique et la Tiburtine, que l’Église n’avait pas reniées ? Citant Aristote, il déclarait que la Pucelle pouvait fort bien être une « créature inconnaissable » et suggérait au dauphin de suivre ses conseils. Jeanne n’avait jamais eu connaissance de De re militari , de Végèce, mais elle était inspirée, semblait-il, par le ciel.
    Charles parla à Jeanne, en se promenant sous les premiers couverts d’un bois de chênes, d’une autre lettre que lui avait adressée Charlier, dit Jean de Gerson, auteur de la Médecine de l’âme et d’autres ouvrages qui entraient dans la voie des doctrines anglicanes. De Lyon où s’achevait sa vie, il avouait que le destin glorieux de la Pucelle illuminait ses derniers jours.
    – Ces deux lettres et quelques autres, dit Charles, m’incitent à rester sage, pieux et prudent .
    Il insista sur ce dernier mot, qui fit dresser l’oreille à Jeanne. Prudent, le gentil dauphin l’était trop à son gré. Il lui avait mis le pied à l’étrier, mais croyait-il vraiment en elle malgré le témoignage des grands esprits de l’époque, et continuerait-il à l’aider alors qu’elle s’était sacrifiée pour lui ?
    En dépit des résultats qu’elle avait obtenus, Charles

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