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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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garde de son écuyer et de Jean de Poulengy, elle aperçut au retour, en s’approchant de la berge, un cavalier qui lui faisait des signes. Elle reconnut Dunois et demanda à accoster.
    – Jeanne, ma Jeanne, dit-il, je t’apporte une grande nouvelle : le dauphin a pris ce matin la décision de former une nouvelle armée. Nous partons dans trois jours.
    – Pour Reims ?
    – Comme tu y vas ! Pour Loches. C’est là que doivent avoir lieu les préparatifs de la campagne qui nous ouvrira la route de Reims.
    Il la convia à s’asseoir sur le banc d’un pêcheur à la ligne, près de lui, dans un ballet de libellules et de moucherons. Dunois lui rappela le conflit qui s’exacerbait autour du dauphin, lequel ne savait plus à quel saint se vouer. D’Alençon le poussait à entreprendre la conquête de la Normandie où il avait l’essentiel de ses biens. La reine de Sicile le harcelait pour qu’il envoyât un corps d’armée reconquérir les villes et les citadelles des bords de Loire, qui menaçaient son duché d’Anjou. Le parti armagnac de la cour eût préféré que l’on allât directement assiéger Paris. La Trémoille et Regnault s’efforçaient de noyer tous ces projets dans l’euphorie dont ils entouraient leur maître.
    Jeanne laissa éclater sa colère : avait-on oublié que le dauphin devait avant toute chose être sacré pour être reconnu comme roi de France ? Et lui, Dunois, quel parti avait-il choisi ?
    – Un parti que j’ai résolument défendu en Conseil : marcher sur Reims, mais sans laisser sur nos arrières des villes encore occupées par des garnisons anglaises, comme Jargeau, Beaugency, Meung. L’armée de secours de Falstaff y trouverait de puissantes assises qui lui permettraient d’entreprendre un nouveau siège d’Orléans.
    Cette armée était bel et bien partie de Paris, mais on n’en avait pas de nouvelles. Elle paraissait s’être évanouie dans les immensités de la Beauce, devenue une sorte de mythe.
    – Elle constituera pour nous, le jour où nous aurons à l’affronter, un premier danger. Il y en a un autre : passé Orléans, nous entrons dans les domaines du duc de Bourgogne et là nous trouverons d’autres adversaires aussi coriaces que Bedford : les bourgeois qui se sont donnés à Philippe.
    – Pourquoi, s’étonna Jeanne, a-t-on laissé se disperser l’armée d’Orléans ? Si nous l’avions gardée intacte, nous serions aujourd’hui proches de Reims. Il va falloir la reconstituer au plus vite !
    Facile à dire... Dans l’esprit de la Pucelle, il aurait suffi, comme César jadis, de frapper le sol du pied pour en faire surgir des légions. Dunois sourit de cette désarmante naïveté. Il dut lui expliquer qu’il fallait non seulement réunir des milliers d’hommes, des centaines de chevaux, mais encore s’occuper de l’intendance, rassembler des quantités de chariots et de boeufs pour les conduire, batailler contre le trésorier afin d’obtenir les fonds nécessaires au règlement des soldes...
    – Et moi je te dis, Bâtard, qu’il faut en finir. Le dauphin est décidé à agir ? Mettons ces bonnes dispositions à profit avant que ses conseillers et ses faux amis ne le fassent changer d’avis...
     
    Le dauphin avait pris la route de Loches, à quelque dix lieues de Tours, à la fin de la première semaine de mai. Il avait laissé un message à la Pucelle lui demandant de le rejoindre au plus tôt. Elle prit la route en compagnie du Bâtard et de sa propre maison à laquelle ses deux frères s’étaient joints d’autorité.
    À peine avait-elle aperçu la haute citadelle se dessinant derrière un bois de peupliers, Jeanne vit accourir vers son escorte une ribambelle de garçons et de filles qui lui jetaient des bouquets et répandaient des rameaux sur son passage. Un groupe de notables, parmi lesquels elle chercha en vain à reconnaître le dauphin, l’attendait devant la porte monumentale ouvrant sur la vieille ville dominée par la masse puissante du château.
    Elle s’étonna de cette absence. Dunois lui répondit :
    – Le dauphin, tu le sais, redoute la foule, de crainte qu’on n’attente à sa personne. Nous le verrons plus tard, là-haut...
    Un officier communal vint prendre Pollux au mors pour le guider au milieu de la foule d’où montait une tempête d’ovations, jusqu’au-delà de la porte des Cordeliers. À l’intérieur de la ville, c’était le même délire populaire : draps et tapis pendaient aux fenêtres, des fleurs

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