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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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suspens.
    — Demain matin, une heure avant les funérailles.
    Comme l’église ne se trouve pas bien loin, cela sera amplement suffisant.
    Puis il quitta les lieux, laissant les proches à leurs pensées moroses. Ce fut Jacques qui le premier rompit le long silence :
    — Il paraît si petit, si fragile.
    — Pour ça, il n’a jamais eu une constitution bien forte.
    Lors de notre mariage, il ne pesait pas cent trente livres.
    Soit vingt ou trente de moins que sa femme! L’écart n’avait cessé de croître, ensuite. Il lui concédait aussi deux bons pouces.
    — A ce moment, tu l’aimais ?
    Cette curieuse formulation laissait entendre que cela n’avait pas été le cas au cours des dernières années. La femme se troubla d’abord, puis elle se dit que mentir ne servait à rien, maintenant.
    — Je n’ai jamais été bien romantique, tu sais. Mais il me paraissait alors plein d’avenir, dans son complet tout neuf, une moustache aussi mince qu’un pinceau sous le nez. Puis, il venait de trouver un bon emploi chez le plus grand marchand de la ville.
    Après des fréquentations timides, constituées de promenades silencieuses et de soirées dans le salon paternel guère plus bavardes, Fulgence avait balbutié une demande en mariage. Faute d’un meilleur candidat, elle avait accepté.
    Comme il arrivait souvent, il s’agissait de l’union de deux laissés pour compte.

    — C’était un homme bon, conclut-elle.
    Cela représentait sa plus belle épitaphe.
    — Sa seule richesse... murmura le garçon. Quand les gens viendront-ils ?
    — Comme il ne sera exposé qu’aujourd’hui, nous ouvrirons les portes à midi. Il y avait une annonce dans l’Action catholique et Le Soleil. Va mettre ton uniforme de collégien.
    Moi, je donne un coup de fil et ensuite je mets une robe noire.
    Le téléphone se trouvait dans la cuisine, accroché au mur. Elle sortit un bout de papier de sa poche et demanda la communication avec La Survivance. Le nom de la société d’assurances sur la vie portait à sourire.
    — Mademoiselle, dit-elle d’emblée à la voix féminine à l’autre bout du fil, mon mari vient de mourir. Il avait une assurance avec vous.
    Le caractère abrupt de la démarche ne troubla pas la jeune employée. Elle en avait l’habitude.
    — Je vous adresse mes plus sincères condoléances, madame.
    — Quand pourrais-je recevoir les vingt mille dollars ?
    Vous savez, il ne rentre plus un sou dans la maison, maintenant.
    — Je vous comprends, mais tout d’abord, il y a certaines formalités à remplir. En premier lieu, vous devez nous faire parvenir le certificat de décès.
    A cause du silence à l’autre bout du fil, elle expliqua :
    — Le médecin vous a certainement donné un document.
    — ... Oui, à l’Hôtel-Dieu.
    — C’est sans doute le certificat. Postez-le tout de suite.
    Nous traiterons votre dossier le plus vite possible.
    — Je demanderai à mon fils de s’en occuper. Vous savez, il termine ses études classiques.
    L’information ne changerait rien au cours des choses, mais la téléphoniste avait aussi l’habitude de cette fierté maternelle.
    Celle-là devait s’attribuer une grosse part de responsabilité dans la bonne fortune de son rejeton, comprit-elle.
    — Madame, je vais tout de même prendre en note le nom du défunt, afin d’accélérer les choses.
    La
    communication
    se
    termina
    sur
    cet
    échange
    d’informations.

    *****
    La veille, le glas avait signalé à toute la communauté le départ d’un paroissien. Le défilé commença très lentement.
    Ce furent d’abord les visites des voisines immédiates, celles qui avaient vu tous les soirs Fulgence courbé sur ses choux, au moment des jardins en temps de guerre.
    — Tout de même, ils l’ont bien arrangé, commenta l’une d’elles, madame Robitaille. On le reconnaît très bien comme ça.
    Elle avait une certaine expérience de l’art des entrepreneurs de pompes funèbres, ayant enterré son propre époux trois ans plus tôt.
    — J’espère bien, avec ce que cela coûte, répondit l’épouse éplorée.
    Après son appel à la société d’assurances, elle avait longuement contemplé la colonne de chiffres dans le carnet du compte d’épargne de son mari. La somme lui permettrait de voir venir, le temps que tout cela se règle. Elle contemplait l’avenir avec sérénité.
    Afin de s’épargner l’obligation d’entretenir la conversation, quand le nombre des matrones atteignait trois, elle les

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