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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Si
c’était moi dessous, je ne demanderais pas de grâce, et j’aurais
déjà le surin de Charlot dans le ventre…
    – Tu peux en être sûr ! dit Gérard
d’Anguerrand.
    Et il se raidit sur le plancher, les yeux
fermés, évanoui…
    –Tu entends la môme ?… fit Jean Nib. Il
ne m’épargnerait pas, lui !
    – Frapper un blessé… mourant
peut-être ! (Le baron d’Anguerrand fit un mouvement.) Tuer un
homme abattu, affaibli, qui ne peut plus se défendre ! (Jean
Nib tressaillit et le baron frissonna longuement.) Je vous dis que
c’est lâche, monsieur ! Vous n’oserez pas ! Non, vous
n’oserez pas, vous, faire cela ! Ou bien vous n’êtes pas
l’homme que je croyais !…
    Le baron assistait, impassible en apparence, à
cette scène ; mais les souffles orageux de sentiments
contraires se déchaînaient en pensées de tempête au fond de son
âme… La mort de Gérard lui apparaissait comme une nécessité
inévitable. Il le méprisait, le haïssait… et Gérard, c’était son
fils ! Qui sait si, rue de Babylone, il eût pressé la détente
de son revolver, malgré sa volonté de tuer Gérard ! Qui sait
s’il ne se fût pas jeté sur lui pour lui arracher le verre, au cas
où Gérard eût porté le poison à ses lèvres ! Il n’y a pas de
sentiments simples. Il n’y a pas d’hommes taillés dans l’airain. La
pensée humaine est un champ de bataille où sans cesse arrivent de
nouveaux combattants. Si Jean Nib avait demandé au baron
« Dois-je tuer ?… » le baron eût répondu :
« Tuez ! tuez ! car cet homme porte le malheur et le
crime, c’est une bête furieuse dont il faut débarrasser
l’humanité… » Mais au moment où Marie Charmant intervenait, le
baron, voyait se lever avec stupeur la fleur du pardon, et son vœu
ardent, indépendant de sa volonté, était que la jeune fille fût
entendue !…
    Il détourna la tête et cacha ses yeux dans une
de ses mains.
    D’une pression plus douce et plus forte, Marie
Charmant appuya sa main sur l’épaule de Jean Nib.
    – Voyons, murmura-t-elle, des larmes dans
la voix, vous n’êtes donc pas ce que je croyais ?
    – Et qu’est-ce que vous avez crut demanda
Jean Nib qui, frémissant, étonné, cessa de tutoyer « la
gosse ».
    – Que vous étiez un homme de cœur, dit
Marie Charmant.
    – Je ne sais pas trop ce que vous voulez
dire,
mademoiselle
. Mais une fois, déjà, chez monsieur,
j’ai éprouvé… j’ai cru… enfin, quelque chose en moi m’a raconté des
idées pareilles… Arrive qu’arrive ! Je ne frapperai pas
Charlot !…
    Le baron sentit sa poitrine se soulever,
soupir de joie puissante, peut-être… ou soupir de terreur devant
l’avenir, puisque Gérard vivait ! puisqu’il n’osait
l’achever !
    Marie Charmant jeta un regard de pitié suprême
sur le blessé évanoui, et, défaillante elle-même, sa vaillante
nature brisée par les émotions violentes qu’elle venait d’éprouver,
elle éclata en sanglots. Sombre et pensif, Jean Nib contempla un
instant cette scène, puis, allant au baron d’Anguerrand :
    – Monsieur, fit-il, il faut pourtant que
je vous dise ce que je venais vous dire : vous pouvez vous
retirer quand vous voudrez. J’ai fait le garde-chiourme pendant
plus d’un mois. Ça me pesait rudement, je vous assure. Mais je vais
vous dire : j’étais chargé de vous tuer. En vous gardant,
c’est votre vie que je garantissais. Maintenant que l’affaire est
réglée, bonsoir… Il ne faut pas trop m’en vouloir, voyez-vous. Vous
êtes un honnête homme, et moi un gueux. Mais j’aime mieux encore
être dans ma peau que dans la vôtre. La Veuve m’a raconté votre
histoire d’autrefois. Vous avez sur la conscience la mort de la
mère de Jeanne Mareil et quelques autres canailleries du même
genre. Moi, je suis un voleur. Entendons-nous. Je crois bien que
nous nous valons. Donc, je pense que vous ne m’en voudrez pas. Un
conseil méfiez-vous de La Veuve !…
    Le baron d’Anguerrand écoutait avec un
indéfinissable étonnement ce gueux qui lui parlait comme un
juge.
    – Qui êtes-vous, monsieur ?
demanda-t-il d’une voix basse et presque humble.
    – Je vous l’ai dit : un gueux, un
misérable, traqué par la police, hier encore au Dépôt, évadé par
une chance qui n’arrive qu’aux mauvais gueux, demain peut-être à la
Santé… ou ailleurs. Voilà qui je suis. Vous, vous êtes le baron
d’Anguerrand : un honnête homme. Qu’est-ce que vous

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