Histoire du Japon
revint à Tadatsune, qui, en pratique sinon légalement, était vice-gouverneur héréditaire du Shimosa et par moment du Kazusa. Ses terres couvraient une étendue considérable, et il jouissait d’une grande influence jusque dans les provinces voisines de la sienne. Désireux d’étendre son territoire, il abandonna ses fonctions de vice-gouverneur du Kazusa, et, en 1028, il leva des troupes dans sa province de Shimosa et attaqua le siège gouvernemental de Kazusa et de la province méridionale d’Awa, à l’extrémité de la péninsule qui, à l’est, ferme la baie de Tökyö.
Quand la cour en fut informée, elle nomma Minamoto Yorinobu, ex-gouverneur d’Ise et jouissant déjà d’une haute réputation, à la tête d’une expédition contre lui. Des raisons personnelles l’empêchèrent d’accepter, et la cour dut dépêcher sur place deux préfets de police (Taira Naokata et Nakahara Narimichi) pour prendre le commandement de troupes des circonscriptions orientales, et envoya parallèlement des ordres dans les provinces du Nord pour qu’une armée y fût levée. Manifestement, le gouvernement prenait les manœuvres de Tadatsune au sérieux, et ses craintes furent bientôt confirmées, puisque, au printemps 1030, le gouverneur de l’Awa abandonna ses sceaux et quitta la province pour se réfugier à Kyoto. Incapables de rien faire, Naokata et ses collègues ne tardèrent pas à être rappelés.
Le gouvernement fit alors une nouvelle fois appel à Yorinobu, qu’il nomma gouverneur de la province de Kai et chargea d’attaquer Tadatsune de concert avec les gouverneurs d’autres provinces de l’Est. Il gagna son poste en 1031 et se prépara aussitôt à l’attaque. Cependant, impressionné par son immense prestige et sans doute aussi par la détermination de la cour, Tadatsune, loin de résister, alla immédiatement se rendre à l’état-major de Yorinobu. Il mourut de maladie tandis qu’on le conduisait dans la capitale, où sa tête fut alors envoyée pour qu’on pût l’exposer.
La brusque fin du soulèvement de Tadatsune atteste la grande réputation dont Yorinobu et autres chefs Minamoto jouissaient désormais. Dans son rapport au sanctuaire d’Iwashimizu où les Minamoto vénéraient le dieu de la Guerre Hachiman, Yorinobu lui-même déclarait : « Nous avons remporté une victoire sans battre de tambours ni brandir de bannières, sans tirer une flèche ni même tendre la corde de nos arcs. » On ne saurait mieux faire comprendre la puissance que représentait le clan des Minamoto, ni combien la maison régnante dépendait de ses chefs.
Les causes du soulèvement de Tadatsune sont assez bien connues. Dès 797, des édits furent publiés dans le but d’empêcher les hauts officiers provinciaux de se fixer à la campagne une fois leur mandat terminé et d’y créer des fiefs, toujours plus étendus à mesure que proliféraient leurs familles, où ils prenaient bientôt des airs de dictateurs, « menaçant et brusquant les fonctionnaires locaux, opprimant les cultivateurs, entravant les récoltes », se conduisant enfin comme les souverains de leur région. Comme le voulait la tradition de la famille, Tadatsune travaillait à étendre l’autorité de sa maison. Dans son rapport au Trône de 1031, Yorinobu affirmait que Tadatsune régnait sur les trois provinces orientales de Kazusa, Shimosa et Awa depuis quelque temps avant 1028 ; en 1031, lorsqu’il se rendit, il y avait donc plus de quatre ans que ces provinces subissaient son joug. Les dommages qu’il y provoqua furent à n’en pas douter plus importants que ceux que causa la révolte de Masakado près de cent ans auparavant.
Dans son journal intime, un secrétaire d’État rapporta l’entretien qu’il eut en 1034 avec le gouverneur du Kazusa. Après la reddition de Tadatsune, écrivait-il, la situation s’était améliorée dans la région et les officiers du gouvernement central n’étaient plus méprisés. La province qui avait le plus cruellement souffert des déprédations de Tadatsune était celle de Kazusa, c’est-à-dire la sienne. Ses réquisitions continuelles l’avaient complètement épuisée. En examinant les registres, le gouverneur nommé après sa reddition avait découvert que, sur plus de 30 000 hectares de terre à riz que comptait la province, on n’en cultivait plus que 75. C’était une catastrophe sans équivalent. Masakado avait laissé en friche de vastes régions, mais Tadatsune avait
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