Histoire du Japon
les pourparlers de paix avec le commandement chinois. Le retour des Chinois chez eux y mit fin, mais des négociations reprirent alors avec les Coréens sur l’initiative de Sô.
L’issue de cette campagne, commencée comme une épopée, soulève bien des questions. Pourquoi Hideyoshi l’entreprit-il ? Quel but poursuivait-il au juste ? Pourquoi échoua-t-il ? Ce sont là des problèmes qu’il convient d’étudier au vu de la situation politique telle qu’elle se présentait en 1590, à la fin de la campagne d’Odawara, mais également à la lumière de son caractère personnel.
L’organisation de la campagne par Hideyoshi souffrait d’un grave défaut qui lui valut peut-être de perdre la guerre et rendit certainement celle-ci plus coûteuse : l’incapacité de mettre sur pied une puissante armée navale. Nous avons vu que l’ordre de bataille reconnaissait l’importance de la protection navale en matière de transport ; mais aucune mesure n’avait été prise pour assurer l’efficacité des navires de guerre japonais et de leurs commandants.
Ce n’est qu’après de graves défaites infligées par l’amiral coréen Yi que les Japonais entreprirent d’améliorer leur flotte. L’avantage des Coréens résultait de la supériorité de leurs navires, mais aussi de l’adresse avec laquelle ils manœuvraient l’ensemble de leur marine, où l’artillerie était régulièrement employée. Les Japonais se trouvaient dans l’impossibilité d’envoyer des renforts par mer aider Konishi à Pyongyang ou sur le Yalu, et l’envoi de vivres à Pusan était toujours risqué.
En conséquence, après le premier retrait de Corée, le commandement japonais entreprit de développer sa puissance navale, et la discipline des escadrilles des amiraux pirates s’améliora au point qu’elles défirent en 1597 une nombreuse flotte coréenne. Autant qu’à Konishi, qui avait alors un commandement naval, la responsabilité de cette victoire revenait d’ailleurs à l’amiral ennemi, qui était souvent ivre. Ces combats apprirent aux Japonais l’importance du pouvoir maritime, et le Japon lui-même en eut la preuve lorsque l’amiral Yi reprit le commandement de la flotte coréenne, la réorganisa et menaça la sécurité des armées de terre japonaises qui se rendaient au sud. Après ces expériences, les chefs militaires japonais eurent soin de construire et d’entretenir une armée navale. Au XVIIe siècle, l’un de leurs soucis les plus pressants sera d’obtenir de bons navires bien armés. Il s’agit là d’une clé de la politique extérieure japonaise après 1600.
LA SITUATION POLITIQUE DE HIDEYOSHI APRÈS 1590
Quoique la puissance d’organisation de Hideyoshi fût exceptionnelle, il y avait une faille dans l’exécution de sa politique d’organisation. Un dirigeant doté d’un pouvoir presque illimité réalise facilement une forme d’unité apparente, et c’est à quoi parvint Hideyoshi en amenant ses guerriers à l’obéissance et en soumettant l’ensemble du peuple à sa volonté. Mais le succès qu’il obtint en imposant à une société agricole un modèle unique par le recensement des terres et de la population ainsi que par sa chasse à l’épée se traduisit dans le pays par beaucoup de mécontentement. Les petits propriétaires de la classe des ji-samurai – la classe même à laquelle Nobunaga devait sa puissance – se trouvèrent privés de la plupart ou de toutes leurs terres par suite de la nouvelle politique foncière, et ils formèrent alors une nouvelle classe de guerriers sans maîtres ou de vagabonds (rönin) généralement contraints de prendre du service auprès d’un chef de clan de quelque ville-château. Les paysans aisés, désormais soumis à un impôt impitoyable, souffrirent eux aussi d’une réduction de leurs domaines. Ils formèrent également une classe de mécontents, nombreux mais impuissants. Et quant aux daimyô, tous n’étaient pas non plus satisfaits de leur position.
Cette situation devait paraître critique aux conseillers de Hideyoshi, bien qu’ils ne semblent pas avoir songé à y porter remède. Mais on estime parfois que la décision de Hideyoshi d’envahir la Corée avec une très nombreuse armée lui fut inspirée par la nécessité d’une vaste entreprise qui distraie l’attention du mécontentement populaire, utilise toute la main-d’œuvre disponible et stimule la production. C’est sans doute une explication trop simple
Weitere Kostenlose Bücher