Histoire du Japon
supportait pas l’idée que les grands vassaux pourraient ne pas se soumettre à son fils. C’est sans doute une crainte de ce genre qui fut cause de sa violente fureur contre Hidetsugu et du meurtre de ses enfants. C’est probablement sur son ordre que le fils et héritier de Hidetsugu, un enfant innocent, fut enterré à l’endroit où l’on procédait aux exécutions sous les corps d’une vingtaine d’autres victimes et recouvert d’un grand monticule. Seule une peur morbide explique des actions à ce point inhumaines.
Ces événements tragiques eurent lieu à une époque où Hideyoshi connaissait des déceptions dans d’autres domaines. Son mépris à l’égard de l’ambassadeur de l’empereur Ming, mépris qui l’avait amené à commettre l’erreur d’une seconde invasion, n’avait d’autre effet que de le rendre un peu ridicule aux yeux des Chinois. En Corée, ses hommes étaient repoussés vers la mer, et en juin 1596 une lettre de la cour de Chine lui reprochait de gaspiller ses dernières années. Il avait alors dépassé soixante ans.
La raillerie des Chinois n’était pas sans fondement, car, à la fin de 1595, il était tombé malade ; il faut pourtant admettre qu’il semblait s’être rétabli lorsqu’il ordonna la seconde invasion. C’était une époque où il s’adonnait à des divertissements comme de vastes excursions pour aller voir des fleurs. Il appréciait par-dessus tout les alentours du Daigoji (encore beaux de nos jours), où il planta de nombreuses variétés de cerisiers. En avril 1598, il y donna une grande fête, d’un genre très exclusif, contrairement à celles de sa jeunesse ; une vaste enceinte fut clôturée et placée sous la surveillance d’hommes armés afin que ses invités ne fussent pas dérangés par des curieux.
Ce fut son dernier grand divertissement. Un écran peint de la période le montre se promenant d’un pas incertain, en compagnie de dames richement vêtues, alors qu’il jouit pour la dernière fois des beautés naturelles et artificielles qui l’entourent. En juin 1598, il retomba malade et s’affaiblit de jour en jour. Alors qu’il gardait le lit dans son palais de Fushimi, il lui arrivait d’avoir des accès de délire. Un jour, il ordonna que certains de ses gens fussent battus à mort, disant que c’était là la seule façon de se débarrasser des personnes mauvaises. Ensuite, il se remit un peu et sortit sur les créneaux pour voir les travaux qui se faisaient alors. Le 20 juillet, il écrivit une lettre à une dame non identifiée – peut-être la femme du général Ukita – où il disait : « Ceci est dix mille fois plus important qu’une lettre ordinaire. Je m’inquiète de votre maladie et vous écris pour cette raison. Il y a quinze jours que je ne puis plus manger, et je suis désespéré. Hier, je suis sorti voir les travaux de construction, mais je me suis senti plus mal, et je ne cesse de m’affaiblir. Prenez bien soin de vous et dès que vous vous sentirez un peu mieux, venez me voir. Je vous attends. »
Vers la mi-août, il comprit qu’il allait mourir et se mit à retourner dans son esprit l’avenir de son fils et héritier Hideyori. Ce fut alors qu’il décida d’employer les cinq anciens ( go-tairô) et les cinq commissaires ( go-bugyô), non en tant que rouages de l’appareil administratif, mais pour assurer la continuité et la stabilité d’une régence de la dynastie qu’il avait fondée. Le 15 août, les cinq grands feudataires (Tokugawa, Maeda, Môri, Uesugi et Ukita) se réunirent chez Maeda et y échangèrent des serments écrits où ils s’engageaient à être loyaux envers Hideyori comme ils l’avaient été envers Hideyoshi, à obéir aux lois de Hideyoshi, et à ne s’engager dans aucun complot ni conflit à des fins personnelles. Par la suite, des serments similaires furent signés et échangés par d’autres daimyô ou groupes de daimyô, en sorte qu’à la fin d’août ou au début de septembre tous les chefs importants avaient juré de soutenir la maison de Toyotomi et l’autorité de Hideyori quand celui-ci serait en âge de l’exercer.
Les ordres testamentaires auxquels ils promirent d’obéir ont été consignés dans un mémoire rédigé par le médecin de Hideyoshi. Sa date n’est pas certaine, mais il ne fut probablement achevé que juste après la mort de Hideyoshi. Il fut certainement entrepris à la fin du mois d’août, après que, de son lit de malade,
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