Histoire du Japon
de koku. Ni individuellement ni ensemble, ils ne pouvaient se risquer à défier leurs maîtres. Aussi longtemps que les membres du conseil et leurs subordonnés préservaient l’unité, il y avait peu de risque qu’ils soient victimes d’une révolte réussie de la part des autres grands seigneurs qui, pour l’instant, se tenaient tranquilles. Parmi eux se trouvaient les Date, de Sendai, et les Kobayakawa, du Chikuzen, qui détenaient entre eux plus d’un million de koku et prendraient certainement parti pour Ieyasu et les autres membres du conseil de régence en cas de guerre civile. Mais tout en étant ostensiblement neutres, maints puissants daimyô tendaient à être hostiles à Ieyasu. Parmi eux, les plus importants étaient les Shimazu du Satsuma, les Satake du Hitachi, les Nabeshima du Hizen, Katö Kiyomasa du Higo et les Chösokabe du Shikoku. Leur revenu global représentait un peu moins de deux millions de koku. Ils pouvaient se montrer dangereux s’ils œuvraient avec d’autres ennemis, mais Ieyasu n’avait pas grand-chose à craindre d’eux seuls. S’il le voulait, la succession de Hideyori pouvait être assurée sans précautions particulières.
Mais l’équilibre auquel Hideyoshi était parvenu lorsqu’il avait soumis la famille Höjö dans le Kantô était loin d’être stable. La vérité est que Hideyoshi échoua dans sa politique intérieure, car au lieu d’étayer son pouvoir en mettant sur pied un système de gouvernement efficace, il laissa le gouvernement national au hasard du jugement de ses subordonnés et, se reposant sur le prestige dont il savait jouir, il consacra toutes ses forces à ses grandioses projets de conquête outre mer. On a suggéré que, en projetant d’envahir la Corée et la Chine, l’un de ses buts était d’acquérir suffisamment de territoires pour satisfaire les ambitions de ses grands feudataires ainsi que des chefs de guerre indépendants comme Shimazu et Môri. On ne trouve pas grand-chose à l’appui de cette thèse, mais il avait raison d’imaginer que ces hommes ne se satisferaient pas longtemps de positions subalternes. Avant qu’il ne soit sur son lit de mort, des dissensions se manifestaient déjà parmi ses auxiliaires les plus directs, car ainsi qu’on l’a vu, il y avait deux opinions et deux partis en désaccord à propos du retrait des troupes japonaises de Corée.
En fait, ce fut ce sujet qui, Hideyoshi mort, fut cause de la première dispute parmi les membres du gouvernement. A la fin de l’année 1598, peu après la formation du conseil de régence, les commissaires Asano et Ishida furent envoyés dans la péninsule coréenne pour y organiser le départ des troupes. Ils rencontrèrent une forte opposition de la part de certains généraux, qui estimaient que leur position restait forte étant donné qu’ils venaient d’infliger de graves défaites aux armées chinoise et coréenne et qu’ils se trouvaient tout à fait en mesure de maintenir leurs positions dans les provinces méridionales de la Corée. Cependant, une fois que le parti qui était favorable au retrait eut pris la direction des ports, les autres furent contraints de les suivre. Lorsqu’ils eurent rejoint le Japon, les deux partis trouvèrent des supporters. Parmi les commissaires, les points de vue différaient entre Ishida, partisan d’une évacuation totale, et Asano, favorable à la poursuite de la guerre. La querelle menaçait de dégénérer en un conflit plus grave, car il y avait en jeu de puissants intérêts, le Satsuma appuyant le retrait alors que des daimyô comme Nabeshima et Katô Kiyomasa y étaient fermement opposés.
Le conseil se hâta de bâcler un compromis au début de 1599 ; mais il y avait d’autres fissures dans l’édifice de la régence ; Ieyasu avait un ennemi implacable en la personne d’Ishida Mitsunari (1560-1600), doué d’un grand talent et d’une ambition dévorante. Celui-ci occupait à l’origine un poste subalterne en tant que commissaire, mais favori de Hideyoshi, il avait fini par obtenir dans 1er cercles officiels une position à laquelle son rang ne lui donnait pas droit. C’était un maître de l’intrigue qui savait que la confusion lui était profitable, et c’est sans doute du fait de ses encouragements secrets que les membres du conseil et les commissaires en vinrent à accuser Ieyasu de manquer délibérément à la parole qu’il avait donnée à Hideyoshi en organisant des mariages à des fins
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