Histoire du Japon

pas de taille à mener des troupes disparates contre un capitaine aussi brillant et expérimenté que Ieyasu.
    Le 11 septembre, après s’être retiré dans son château d’Edo, Ieyasu dirigea un puissant mouvement contre l’Ouest. Il envoya une forte armée le long de la Tôkaidô, et il confia 30000 hommes à son fils Hidetada avec pour ordre de suivre la Nakasendô. Les deux armées devaient converger sur le Mino, où Ieyasu les rejoindrait.
    L’objectif de cette stratégie était de porter un grand coup à l’ennemi dans le Mino avant qu’il ne puisse s’établir solidement dans cette province. Trente ans plus tôt, les succès de Nobunaga qui, de sa forteresse de Kiyosu, était parvenu en 1568 à se rendre maître des provinces centrales, suffisaient à prouver toute l’importance de la région. L’avant-garde de Ieyasu, placée aux ordres de Fukushima, Hosokawa et autres officiers de confiance, progressa rapidement le long de la Tôkaidô, et le 21 septembre toutes les unités étaient à leur rendez-vous de Kiyosu. Désormais, les quelque vingt-sept kilomètres qui s’étendent Gifu et Kiyosu séparaient seuls les deux armées.
    Le 26 septembre, Fukushima et ses collègues reçurent de Ieyasu l’ordre d’avancer. Les jours suivants, ils franchirent le Kiso et s’emparèrent de la citadelle de Gifu. Le 1er octobre, ils étaient fermement établis au-dessus de la ville et attendaient l’arrivée de Ieyasu. Cependant, ce dernier avait prudemment observé d’Edo la façon dont tournaient les choses, et ce n’est qu’une fois pleinement rassuré quant à la loyauté et aux compétences militaires de Fukushima et de ses camarades qu’il se décida à engager ses propres troupes. Il ne partit pas pour le front avant le 7 octobre, et il arriva à Kiyosu le 17 avec une armée de plus de 30000 hommes. Le 20, il s’installa sur une éminence proche d’Akasaka, à environ trois kilomètres au nord-ouest d’Ogaki.
    Tandis que se déroulaient ces opérations, Mitsunari, qui n’était pas sans quelque expérience militaire, s’était acharné à rassembler autant d’alliés qu’il le pouvait. A la fin de septembre, il avait avec lui Shimazu, Ukita et Konishi. Dans le courant des vingt jours suivants, Môri Hidemoto, Chôso-kabe et Natsuka arrivèrent avec 30000 hommes et établirent leur camp près de la position avancée de Tokugawa. Peu après, Kobayakawa arriva à son tour avec 8000 hommes et prit position au-dessus de Sekigahara. Ainsi, l’ensemble des troupes levées contre Ieyasu était numériquement impressionnant, mais celui-ci avait de bonnes raisons de douter de la loyauté de certains des partisans de Mitsunari.
    Le 20 octobre, en début de soirée, alors que Ieyasu tenait conseil avec ses généraux près d’Akasaka, une importante fraction de l’armée occidentale se porta sur Sekigahara. Elle fut surprise par une pluie aveuglante et, luttant dans les ténèbres pour poursuivre sa route, elle n’atteignit son objectif que le lendemain juste avant l’aube. En dépit de ces difficultés, elle réussit avec l’ensemble des divisions occidentales à s’établir en force dans des positions que Ieyasu devrait détruire par une attaque frontale s’il voulait rejoindre Osaka. Elle se trouvait dans une situation presque imprenable, mais elle souffrait d’une faiblesse dont Ieyasu était très conscient : elle comptait des traîtres dans ses rangs.
    Le matin du 20 octobre, tandis que l’armée occidentale prenait position et que Ieyasu déployait ses troupes au nord de la Nakasendö, le brouillard était si épais que 1 avant-garde de Fukushima entra en collision avec l’arrière-garde d’Ukita. Puis, comme le brouillard se dissipait et que les objectifs devenaient visibles, ce fut l’engagement général. On se battit rudement sur toute la ligne de front, l’armée occidentale ayant légèrement l’avantage. A ce moment-là, conformément au plan de bataille de Mitsunari, Kobayakawa devait dévaler la pente et fondre sur l’arrière de Ieyasu. Mais il ne fit aucun mouvement avant que Ieyasu lui-même le contraignît à se déclarer. Il montra alors de quel bord il était en attaquant les formations de l’armée occidentale, qui commença à lâcher pied sous la pression du nombre. La bataille fut perdue quand Kobayakawa mit en déroute d’abord Konishi puis Ukita, dont l’ensemble des divisions comptait 10000 hommes. Mitsunari s’enfuit alors, bientôt suivi de Shimazu, qui