Histoire du Japon
entra au service de Ieyasu et construisit pour lui quelques petits bateaux 205 , tout en expliquant les problèmes de la navigation et en décrivant les conditions qui régnaient dans les pays européens. Cinq ans plus tard, il demanda la permission de rentrer chez lui, mais il n’obtint pas l’autorisation de quitter le Japon, bien que, par ailleurs, il fût généreusement traité. Cependant, la Compagnie hollandaise des Indes orientales avait fondé plusieurs comptoirs en Extrême-Orient. Mais la concurrence pacifique ne lui suffisait pas. Ses navires avaient l’ordre d’attaquer et de détruire tous les bâtiments et les possessions portugais, ordre qu’ils exécutaient avec un succès variable mais considérable à partir de 1601. En 1605, déçu du peu d’effet de ses ouvertures à Manille, Ieyasu proposa aux Hollandais de commercer avec le Japon. En 1609 (année où Hudson découvrit l’île de Manhattan), deux navires hollandais qui croisaient au sud du Japon à l’affût de la caraque portugaise qui faisait chaque année la traversée de Macao au Kyüshü arrivèrent à Hirado et y établirent un comptoir. Ils furent suivis quatre ans plus tard par un représentant de la Compagnie anglaise des Indes orientales.
La concurrence qui en résulta entre négociants portugais et hollandais profita à Ieyasu. Il accorda impartialement des concessions aux missionnaires et aux marchands, car il visait par-dessus tout le développement du commerce extérieur et intérieur du Japon. Il prit toutefois certaines mesures pour signifier aux Portugais que leur monopole en fait d’évangélisation et de commerce avait pris fin, et pour les punir du cruel traitement qu’ils avaient infligés à certains marins japonais à Macao 206 . En fait, il était ravi des ennuis que connaissaient les Portugais, car il en résultait pour lui qu’il n’avait plus besoin de se soumettre aux jésuites en matière de commerce.
Il traita donc pendant un certain temps tous les étrangers avec une égale considération, ne donnant aucune préférence aux Portugais, aux Espagnols ni aux Hollandais. Ce qu’il attendait d’eux, c’est un afflux de marchandises et de connaissances étrangères. Ses relations avec Adams montrent qu’il espérait développer une forte marine marchande et se procurer des armes puissantes. Par ailleurs, ses pourparlers avec le gouverneur général des Philippines (Don Rodrigo Vivero y Velasco) attestent qu’il souhaitait avoir à sa disposition des mineurs qualifiés qui puissent enseigner à ses gens les procédés de la fonte. Il accordait à ces questions la plus grande importance.
Le bon traitement dont jouissaient les étrangers dura tout au long de l’année 1611, où le gouvernement Tokugawa changea soudain de politique et se mit à interdire la prédication et la pratique de la foi chrétienne. Les raisons de ce changement restent un sujet de controverse, mais elles étaient manifestement politiques plutôt que religieuses. Ieyasu était déterminé à se débarrasser de tous les missionnaires, et, le 27 janvier 1614, il publia un édit supprimant le christianisme au Japon. Les églises de Kyoto furent détruites et les missionnaires jetés en prison. Des chrétiens japonais de haut rang furent arrêtés et exilés, entre autres le « daimyô chrétien » Takayama Ukon, qui mourut à Manille une année plus tard. Une poignée de Japonais pauvres furent punis parce qu’ils refusaient d’abjurer leur foi, et d’autres furent emprisonnés ; mais en fait l’édit était dirigé non contre les gens du commun mais contre les membres de la classe militaire, car on jugeait que leurs croyances chrétiennes étaient incompatibles avec l’obéissance qu’ils devaient à leurs suzerains. Du vivant de Ieyasu, aucun missionnaire étranger ne fut mis à mort, bien que nombre d’entre eux aient fait mine d’ignorer ouvertement son décret.
Méthodes administratives
Comme on l’a vu, Ieyasu ne chercha pas à mettre sur pied un gouvernement systématique, mais se contenta de régler les problèmes administratifs au fur et à mesure qu’ils se posaient, sans éprouver le besoin d’une machinerie complexe de ministères et de conseils. On disait d’ailleurs du gouvernement des Tokugawa qu’il ressemblait à la façon dont un chef de village traitait ses affaires avec les anciens. La chose est vraie pour l’époque de Ieyasu et de Hidetada, mais par la suite se développa un système
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