Histoire du Japon
d’administration très élaboré et rigide.
Les affaires du gouvernement national étaient dirigées par Ieyasu selon les mêmes lignes générales que celles d’un fief par un daimyô. Il donnait des ordres à ses subalternes, qui les exécutaient au mieux de leurs capacités. Il était caractéristique de cette première période du bakufu Tokugawa qu’il n’y eût pas de division claire des fonctions, car bien que Ieyasu confiât à ses vassaux fudai la réalisation de ses projets, il avait également recours à des gens de rang inférieur qui s’étaient signalés par leur talent. Il employait des moines et des lettrés confucéens à la rédaction du Buke sho-hatto, et il entretenait d’étroites relations avec des marchands éminents et d’autres personnes possédant une expérience ou un savoir particuliers. Il s’agissait en général de gens doués, qui jouaient le rôle de véritables fonctionnaires.
Le cas d’Okubo Nagayasu, déjà cité comme son agent dans le développement des mines, offre un exemple intéressant de la méthode de choix de Ieyasu. D’humble origine, Nagayasu avait été acteur de sarugaku dans la province Takeda de Kai, et s’était retrouvé dans le Mikawa au service du principal vassal de Ieyasu, Okubo Tadachika, grand amateur de sarugaku. Il attira l’attention de Ieyasu, au service duquel il entra à une époque où les mines d’or et d’argent d’Iwabuchi, dans le Mikawa, étaient en train de se développer. Or il fit preuve de telles capacités que, sur la suggestion de Ieyasu, il fut autorisé à prendre le nom d’Okubo et reçut le titre d’iwami no kami. A n’en pas douter, ses efforts valurent à Ieyasu un immense surcroît de richesses.
Un autre personnage d’humble origine que Ieyasu employa à d’importantes affaires fut Honda Masanobu, fauconnier de son état. Son ami Masazumi et lui exécutèrent des missions confidentielles de nature diplomatique. D’ordinaire, ces hommes n’avaient aucune affectation spéciale, mais étaient simplement utilisés au gré des occasions.
Il faut se rappeler que chaque daimyô était responsable de l’administration de son propre fief, et que, de ce fait, les fonctions du gouvernement central étaient limitées. Ce n’est que dans des circonstances particulières que le bakufu intervenait dans les affaires domestiques du domaine d’un vassal aussi longtemps que la question de loyauté n’était pas en jeu. Les terres et les villes placées sous la juridiction directe de la famille Tokugawa étaient administrées comme s’il s’était agi de propriétés Tokugawa, et les officiers qui y étaient nommés étaient des employés Tokugawa. Ainsi, les fonctions administratives nationales étaient de nature générale plutôt que particulière, et ne semblaient pas exiger l’emploi de spécialistes. C’est dans ce
contexte que les articles du Buke sho-hatto prennent un intérêt et une importance qui ne sont pas évidents à première vue. Ils ne constituent pas un code de loi, mais sont la formulation des principes qui devaient régir la conduite des vassaux.
Le premier article donne le ton de l’ensemble, prescrivant la pratique des arts militaires jointe à la poursuite du savoir. Comme Ieyasu était déterminé à mettre fin à la guerre civile, il était normal qu’il envisageât une société paisible soumise à son autorité ; toutefois, il ne pouvait pas tolérer un déclin de l’esprit militaire chez les membres de la classe guerrière, en sorte qu’il était tenu d’encourager le maniement de l’épée et l’art équestre. Le deuxième article proscrit les habitudes licencieuses, et d’autres recommandent la frugalité parmi les vassaux et leurs gens.
Les autres ordres et interdictions traitent essentiellement des affaires internes des différents fiefs. Leurs propriétaires ne doivent pas donner asile à ceux que poursuit la justice ; ils ne doivent pas prendre à leur service des hommes accusés de trahison ou soupçonnés de crimes graves ; et ils ne doivent pas loger ni employer des personnes venant d’autres fiefs.
On comprendra que le but de ces règles était d’exercer un certain contrôle sur les tozama, qui, sans être tout à fait indépendants, étaient trop puissants pour être soumis à une surveillance étroite de la part du bakufu. La situation des vassaux fudai était différente, car ils pouvaient être contraints d’obéir aux ordres du shôgun sous peine d’être
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