Histoire du Japon
privés de leurs fiefs. Il n’y avait aucun appareil administratif pour imposer la volonté du shôgun aux plus grands feudataires. Il n’y avait que la menace de la force, et les premiers shôgun Tokugawa répugnaient à y recourir.
On aura noté que certains des articles du Buke sho-hatto rappelaient le Kemmu shikimoku, en particulier ceux qui recommandaient des habitudes simples et austères. On sait que Ieyasu étudia le Shikimoku et autres documents du genre avant de donner des instructions aux érudits chargés de rédiger le Buke sho-hatto. Le texte de 1615 fut revu plus d’une fois, et une étude des changements qui y furent apportés met en lumière l’évolution que subirent alors les institutions Tokugawa.
Tous ses articles ne furent pas respectés, mais son but fut atteint dans la mesure où il était censé inaugurer une période de paix. A partir de 1615, le Japon connut en effet deux cent cinquante ans de paix sous le règne des shôgun Tokugawa.
CHAPITRE XLVIII
La nature du gouvernement des Tokugawa
buts politiques de ieyasu
Les fondements du gouvernement des Tokugawa furent posés, nous l’avons vu, entre 1600 et 1616, c’est-à-dire entre la bataille de Sekigahara et la mort de Ieyasu. Après Sekigahara, le premier soin de Ieyasu fut d’augmenter et de consolider sa puissance militaire, en sorte que même une association des plus puissantes maisons guerrières n’oserait le défier. Cette supériorité, il parvint à l’atteindre, du fait de son immense prestige, en confisquant les domaines de ses ennemis vaincus et en donnant en récompense à ses fidèles vassaux, les daimyô fudai, des fiefs occupant une position stratégique où ils avaient la possibilité de surveiller et de contenir les daimyô indépendants, les tozama ou seigneurs extérieurs. De grands domaines appartenant aux y monastères furent aussi confisqués.
Les shogun Tokugawa
1603-1616 Ieyasu (premier shogun)
1616-1623 Hidetada (deuxième shogun)
1623-1651 Iemitsu (troisième shogun)
1651-1680 Ietsuna (quatrième shogun)
1680-1709 Tsunayoshi (cinquième shogun)
1709-1713 Ienobu (sixième shogun)
1713-1716 Ietsugu (septième shôgun)
1716-1745 Yoshimune (huitième shôgun)
1745-1760 Ieshige (neuvième shôgun)
1760-1786 Ieharu (dixième shôgun)
1787-1837 Ienari (onzième shôgun)
1837-1853 Ieyoshi (douzième shôgun)
1853-1858 Iesada (treizième shôgun)
1858-1866 Iemochi (quatorzième shôgun)
1866-1867 Hitotsubashi Keiki (quinzième shôgun)
Les effectifs militaires n’étaient pas suffisants. Il fallait également que la richesse de la famille Tokugawa marche de pair avec sa puissance politique croissante. Le fondement de l’économie japonaise était le village qui produisait le riz, nourriture de base, et l’essentiel du revenu annuel du bakufu provenait du riz cultivé sur les terres de la famille Tokugawa. On estimait celui-ci à environ un million de koku (de cinq boisseaux) en 1590, lorsque Ieyasu s’établit dans le Kantö (les huit provinces de l’Est). Il fut ensuite augmenté par l’incorporation de nouveaux domaines, et en 1598, année de la mort de Hideyoshi, il atteignait 2557000 koku.
Après la bataille de Sekigahara, Ieyasu confisqua pour 3 830000 koku de revenus, portant ainsi à près de 6400000 koku le total de ses biens. Cela représentait approximativement le quart du revenu global du pays, alors estimé à 24 ou 25 millions de koku.
Les revenus confisqués ne furent pas tous gardés par la famille Tokugawa. Une grande part en fut distribuée aux vassaux et aux partisans en récompense de leurs services. Il est difficile de décrire la situation exacte à un moment donné, car les processus de confiscation et de distribution étaient continus ; mais l’aperçu suivant du processus dit « daimyô no toritsubushi » (« écrasement des daimyô ») montrera comment Ieyasu et ses successeurs accrurent la richesse matérielle du bakufu au XVIIe siècle :
Confiscations par Millions de koku
Ieyasu 3,83
Hidetada 4,53
Iemitsu 3,85
Ietsuna 0,77
Tsunayoshi 1,70
Total en 1690 14,68
Comme Ieyasu avait un revenu de près de 3 millions de koku avant Sekigahara, l’ensemble des biens de la famille Tokugawa à la fin du XVIIe siècle était de l’ordre de 17 millions de koku. Le revenu total du pays était alors estimé à 26 millions de koku, en sorte que les daimyô tozama se partageaient quelque 9 millions de koku 207 .
En dehors des progrès de l’agriculture,
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