Histoire du Japon
respectifs.
10. Tous les costumes et ornements doivent être appropriés au rang de celui qui les porte, et n’être extravagants ni dans leur forme ni dans leur couleur.
11. Les gens du commun ne doivent pas circuler en palanquin sans autorisation. [Les « gens du commun » signifient ici les représentants des classes inférieures : paysans, artisans et commerçants.] Une exception est toutefois faite pour les médecins, les astrologues, les personnes âgées et les invalides.
12. Les samurai de tous les fiefs doivent vivre frugalement.
13. Tous les daimyô doivent choisir des personnes capables pour les conseiller dans le gouvernement de leurs fiefs.
C’est un trait intéressant de ces ordonnances que les commentaires des différentes clauses consistent en citations plus ou moins appropriées de textes classiques, et notamment chinois. Ainsi, le document dans son ensemble a un parfum confucéen, ce qui n’est pas caractéristique des textes de loi] du Japon médiéval, mais deviendra courant dans la législation du bakufu Itokugawa. Dans la traduction ci-dessus, nous n’avons donné (entre parenthèses) des exemples de ces commentaires que pour les trois premières clauses.
Dans son contenu, le texte se conforme à un canevas quasi universel, car Ain système de gouvernement autoritaire est d’ordinaire accompagné, sinon J>ar une religion d’État artificielle, du moins par un code de croyance et de ^comportement et par une vision puritaine exprimée en lois somptuaires. En ïait, les clauses du Buke sho-hatto enjoignant la frugalité et fixant des »normes d’habillement et de nourriture sont l’écho du passé, Yoritomo et les régents Hôjô ayant eux aussi tenté de réglementer le mode de vie de leurs vassaux. Quoiqu’on ne puisse pas dire qu’aucune de ces règles encourage « délibérément des croyances religieuses, elles s’efforcent d’inculquer les vertus militaires d’obéissance et de sacrifice.
MÊTHODES DE IEYASU
Cet exemple de législation illustre la volonté de Ieyasu de créer un État sabsolu, à jamais soumis aux Tokugawa. Dès le début, le bakufu légiféra contre le changement – en fait, dans le septième article, le mot « changement » signifie « révolte ».
Selon certains auteurs (parmi lesquels Rai Sanyo), l’origine de cette volonté remonte aux batailles que livra Ieyasu contre Hideyoshi à Komaki et à Nagakute, où (disent-ils) il était déjà décidé à détruire la famille Toyotomi. La vision populaire de l’époque était sentimentale plutôt que critique. On sentait que Ieyasu avait délibérément projeté, comme une question de politique nationale, de tuer ou de provoquer la mort de Hideyori. On déplorait la chose, mais on la comprenait. Ieyasu était cruel, mais pour réussir, il devait se montrer impitoyable.
C’est assez vrai. Il savait parfaitement ce qu’il faisait, et quelle action était inévitable. Il voulait créer un gouvernement du type que l’on qualifie aujourd’hui de « totalitaire », ou du moins en poser les bases. Le travail de son esprit nous est révélé par sa façon d’agir après la chute du château d’Osaka, en juin 1615.
Quand les troupes des Tokugawa envahirent les appartements du château, un guerrier Toyotomi du nom d’Ono Harunaga sauva des flammes la propre petite-fille de Ieyasu, Sen Hime. De ce fait, il se crut autorisé à demander à Ieyasu d’épargner la vie de Yodogimi, mère de Hideyori. Mais Ieyasu se montra intraitable. Après la mort de Hideyori, la famille Toyotomi fut détruite à l’exception de deux petits enfants. Et les défenseurs du château d’Osaka firent l’objet d’une chasse sans merci. Des jours durant, cinquante ou cent hommes furent pris et tués, et leurs têtes furent bientôt exposées par milliers le long de la route reliant Fushimi à Kyôto. Maintes histoires tragiques racontent la cruauté dont Ieyasu fut responsable. Le fils de huit ans que Hideyori avait eu d’une concubine fut décapité publiquement. Sa sœur aînée fut épargnée, mais elle dut finir ses jours dans un couvent de Kamakura.
Son principal ennemi anéanti, il restait à Ieyasu à s’assurer la soumission de tous ses rivaux potentiels. Il y parvint essentiellement en distribuant habilement les fiefs disponibles, en exerçant sur les vassaux une surveillance constante grâce à un système d’espionnage très développé, et en imposant aux daimyô les plus puissants des
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