Histoire du Japon
Tadachika, qui lui avait donné son nom, était alors occupé à Kyoto par des activités antichrétiennes, et son fief lui fut enlevé in absentia. Bien d’autres reçurent le même traitement.
La raison pour laquelle Ieyasu se montra si dur dans sa punition n’est pas claire, car Nagayasu lui avait effectivement rendu d’immenses services ; mais on a suggéré qu’il faisait partie d’une conspiration visant à renverser Ieyasu, et où se trouvaient impliqués des chrétiens japonais et étrangers. Sur ce point, les témoignages ne sont pas convaincants, mais il ne fait aucun doute qu’un examen des papiers de Nagayasu prouve qu’il était malhonnête dans le domaine politique aussi bien qu’en matière de finances.
Une autre explication, peut-être plus plausible, de la colère de Ieyasu est qu’il fut atterré par l’ampleur des richesses de Nagayasu. Il avait lui-même des goûts simples et était plutôt pingre, craignant toujours de perdre son trésor, dont il considérait à juste titre qu’il était essentiel à l’entretien du bakufu. A sa mort, on estimait qu’il possédait deux millions de ryô en pièces d’or et environ le double sous d’autres formes. La découverte que Nagayasu avait accumulé des sommes du même ordre de grandeur le rendit naturellement furieux.
Ce n’est pas seulement par un heureux hasard qu’il utilisa tous ces hommes à un moment critique de l’histoire du pays. Après la mort de Hideyoshi, Ieyasu chercha à établir la paix. Il lui restait, c’est vrai, des combats à livrer, mais il voyait plus loin dans l’avenir que la plupart de ses contemporains, car il avait toujours eu une vision à long terme. Cette vision était partagée par ses proches, et de ce fait il est intéressant d’étudier les liens qui les attachaient à lui, car s’ils constituaient une bande hétérogène, ils n’en étaient pas moins unis par le même but, ne souhaitant rien de mieux que de pouvoir exercer pleinement leurs talents.
Honda Masanobu (Sado no Kami) appartenait au fief de Mikawa, et quand Ieyasu était jeune, on avait fait de lui son compagnon. Dans son Mikawa monogatari 211 , Okubo Hikozaemon, oncle de Tadachika, rapporte que son frère aîné, Okubo Tadayo, prit Masanobu en affection et l’aida lors des difficultés qu’il connut pour avoir pris part à un soulèvement religieux dans le Mikawa. C’est un autre Okubo qui présenta Masanobu à Ieyasu en qualité de fauconnier. Comme guerrier, Masanobu ne valait pas grand-chose, mais sa perspicacité politique encouragea Ieyasu à employer ses dons. Il exprimait ses opinions avec franchise, et Ieyasu fut assez sage pour ne pas en prendre ombrage et pour lui accorder toute sa confiance. Il fut d’une aide précieuse lors de la confiscation et de la redistribution des fiefs qui suivirent Sekigahara. Lui-même était dénué de cupidité, et son revenu ne dépassa jamais 20000 koku, le classant parmi les petits daimyô. Il estimait que les vassaux héréditaires, les daimyô fudai, au service de Ieyasu, devaient être récompensés par d’importantes charges plutôt que de recevoir de généreuses pensions. Il mourut en 1616, ravagé par la syphilis.
Certains daimyô étaient mécontents, et parmi eux les plus richement récompensés, comme Ii Naomasa et Honda Tadakatsu. Ils étaient fiers de leur lignée et méprisaient les parvenus dont Ieyasu s’entourait. Les parvenus continuèrent toutefois à prospérer, et Masazumi, fils de Masanobu, prit la succession de son père. Il aida Ieyasu à Sumpu et joua auprès de lui le rôle de conseiller politique. On prétend qu’on lui doit en partie les plans visant à l’anéantissement de la famille Toyotomi. Il suscita évidemment l’envie parmi les héros de la classe guerrière, et ceux-ci complotèrent contre lui. Il mourut en exil. On vit dans les malheurs de sa famille la juste punition de son ingratitude envers son protecteur, Okubo Tadachika.
Après la mort de Ieyasu, l’organisation du bakufu perdit son caractère artisanal. Désormais, elle ne fut plus plaquée sur le modèle du village (shôya-jitate) ni même de la province (Mikawa-jitate). Les anciens camarades et alliés de Ieyasu vieillissant – il était mort âgé de soixante-quinze ans –, les charges occupées par ses proches devinrent toujours plus rares. De nouveaux emplois furent créés, qui, à partir de 1634, furent clairement définis. Doi Toshikatsu et les deux Sakai, Tadakatsu et
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