Histoire du Japon
appartenait à une secte spécialement attachée à la discipline de l’Église et à la succession apostolique) l’amena à quitter Nara pour vivre en reclus dans une région de montagne proche de son lieu de naissance. Jusque-là, le bouddhisme japonais avait été presque exclusivement citadin ; aussi peut-on considérer Saichô comme l’initiateur d’une habitude consistant à rechercher la solitude dans les montagnes, où moines et laïcs pouvaient méditer et vivre une vie d’austérité seuls ou par petits groupes. Le développement de communautés montagnardes est un trait spécifique du bouddhisme japonais. Le reclus, bouddhiste ou taoïste, vivant dans une retraite montagnarde, est un personnage familier de l’art pictural de la Chine tout comme du Japon. La sainteté prêtée aux lieux élevés conduisit en outre à bâtir de petits sanctuaires ou de modestes temples sur des éminences éloignées des villes, et il s’ensuivit que la plupart des grands monastères du IX e siècle furent construits, sinon sur des hauteurs, du moins dans des lieux retirés, alors qu’à Nara ils occupaient le plus souvent un endroit plat situé dans l’enceinte de la ville. Cette différence géographique traduisait une vision des choses différente, car, bien que leur doctrine intérieure fût subtile et difficile, les nouvelles sectes exprimaient un esprit plus libre et plus hardi que les anciennes. Saichô croyait fermement en une formation rigoureuse et en une vie austère – une véritable discipline monastique par opposition au confort du bouddhisme citadin et à ses relations intimes avec la cour. Sa règle voulait que les postulants passent plusieurs années reclus dans les montagnes avant d’être admis dans l’ordre monastique.
Le petit sanctuaire que bâtit Saichô – en 788, avant le départ de Nagaoka – était situé sur le mont Hiei, une éminence dominant au nord-est la future capitale. Quand celle-ci fut construite, cette situation prit une importance particulière, car le nord-est était ce qu’on appelait la Kimon, ou Entrée du Démon, c’est-à-dire l’endroit d’où, selon la géomancie chinoise, les influences malignes pourraient s’abattre sur la nouvelle cité. En outre, le culte indigène voulant que tout lieu élevé du pays des dieux, et notamment de la province impériale du Yamato, fût sanctifié par la présence de divinités montagnardes, Saichô eut soin de rendre hommage au dieu – ou dieux – du Hiei, qu’il appelait Sannô, le Roi de la Montagne. Ainsi, grâce à la bienveillante collaboration du bouddhisme indien, du shintô indigène et de la géomancie chinoise, la protection de la ville se trouvait assurée.
C’est grâce à ces heureuses circonstances que Saichô attira l’attention de l’empereur Kammu, et, en 804, fut envoyé étudier en Chine. Là, il s’intéressa tout particulièrement à la secte du Tiantai, qu’il avait appris à connaître par un moine lors de ses études à Nara. Il séjourna au mont Tiantai (notons qu’il s’agissait d’un monastère de montagne, et que son nom signifie « Céleste Plate-forme ») où il reçut l’enseignement de maîtres chinois et rassembla des textes à rapporter au Japon. De retour chez lui en 805, il obtint de la cour l’autorisation de fonder une « Secte du Lotus Tendai » (Tendai était la version japonaise du Tiantai). Son monastère du mont Hiei fut agrandi ; il augmenta régulièrement en dimensions et en puissance tout en demeurant en étroit contact avec le palais ; et l’école Tendai joua par la suite un rôle prépondérant dans le bouddhisme japonais, suivant la voie tracée par son parent de Chine qui s’appliquait à concilier toutes les formes de la doctrine bouddhique dans un grand exposé global de la vérité quintessenciée.
Ce n’est pas le lieu de discuter des principes Tendai ; mais il est intéressant de noter ici que, d’un point de vue purement historique, l’importance de l’école Tiantai réside dans le fait qu’elle n’était pas d’origine indienne, mais s’était dévelop >ée en Chine par réaction, et presque par opposition, aux prétentions des sectes plus anciennes, qui soulignaient chacune un aspect différent de la voie conduisant au salut. Le succès de l’école Tendai au Japon est dû à une attitude similaire, une sorte d’agacement face aux excès métaphysiques et aux difficultés scolastiques de la plupart des écoles de Nara, qui
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