Histoire du Japon
sélection naturelle ou artificielle, ils semblent avoir généralement produit le type d’homme capable que réclamait l’époque. La tradition politique observée, pour ne pas dire créée, par les régents Fujiwara – loyauté du clan, patronage, attachement aux personnes plutôt qu’aux principes – joua un rôle de poids dans l’histoire ultérieure, et c’est pourquoi, bien que leur puissance et leur richesse aient décliné avec le temps jusqu’à être réduites en poussière, leurs succès et leurs échecs paraissent mériter une étude un peu approfondie. La pensée politique japonaise s’est faite par l’habitude plutôt que par le raisonnement, et peut-être vaut-il la peine de voir de plus près ce qu’était le sentiment de la classe dirigeante.
Il existe un document intéressant, connu sous le nom de Testament de Kampyô (Kampyô Goyuikai), qui fut composé à l’époque de Kampvô (889-898) par l’empereur Uda. Il s’agit d’une série de conseils qu’il adresse à son successeur, en faveur duquel il abdiqua. Il y donne une appréciation des talents d’hommes d’État comme Fujiwara Tokihira, Sugawara Michizane, Ki Haseo et Miyoshi Kiyotsura, dont les noms reviennent fréquemment dans l’histoire de son règne. Il explique ce qui ne joua pas dans sa politique et exprime une certaine rancœur face à la dureté de Mototsune ; mais, quoiqu’il
souhaitât manifestement promouvoir Michizane pour contrebalancer l’influence des Fujiwara, il fait, peut-être un peu à contrecœur, l’éloge de Tokihira, qu’il recommande au jeune empereur Daigo comme un conseiller très sagace. Parallèlement, il loue la loyauté de Michizane, l’érudition de Ki et les vertus des autres défenseurs de la maison impériale.
Dans un exposé général des problèmes auxquels devra faire face son successeur, il consacre beaucoup d’attention au choix des officiers de la cour et du gouvernement ; aux récompenses et promotions qu’il convient de leur accorder ; à la collecte des impôts ; au mode de vie des vestales d’Ise et de Kamo, les deux grands sanctuaires shintoïstes les plus étroitement liés à la maison régnante ; à la propreté du palais ; et à certaines questions touchant le rituel et la façon de diriger les affaires du palais, y compris le grade et la préséance des officiers des gardes.
L’essentiel de ce qu’il dit concerne les affaires privées du souverain. Il enjoint à son successeur de se montrer prudent dans ses apparitions publiques, de ne laisser voir sur son visage ni plaisir ni colère, et, plus généralement, de conformer sa conduite personnelle à de rigoureux principes. Concernant les problèmes gouvernementaux, rien n’est envisagé d’un point de vue national ; et c’est pourquoi il n’est pas surprenant que les chefs des grands clans comme les Fujiwara aient trouvé normal d’intervenir massivement dans les affaires publiques, et en soient venus à confondre leur intérêt privé avec l’intérêt de l’État.
Il ressort néanmoins du document dans son ensemble un sens aigu de l’importance du comportement juste et des devoirs moraux du prince. En général, il conseille la simplicité, un mode de vie modeste, une stricte attention aux affaires de’État et le recours à des ministres loyaux et capables. A son tour, l’empereui Daigo, à qui s’adressaient ces recommandations, laissa certaines règles de conduite qui témoignent de l’élévation de ses propres normes de comportement. Il donne notamment ces conseils.
– Ne buvez pas trop de vin.
– Dans la conversation, n’en dites pas plus que ce qui est nécessaire à votre propos.
– Dans votre maison, ne discutez pas devant autrui d’affaires privées, de ce qui est bien ou mal, de questions d’argent, etc.
– Dominez votre humeur.
– Évitez la mauvaise compagnie ; ne vous liez pas d’amitié avec des gens bruyants et turbulents.
– En toutes choses, de vos vêtements à votre voiture et à vos chevaux, recherchez ce qui a une valeur pratique et non ce qui est ornemental.
Les documents de ce genre n’ont rien d’exceptionnel, car la coutume voulait que les testataires lèguent des conseils.
Dans l’ensemble, les chroniques et journaux intimes de l’époque ne confirment pas l’impression de frivolité que peut laisser une étude exclusive de la littérature romanesque des Xe et XIe siècles. Il y avait sans doute beaucoup de joyeux jeunes courtisans
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